Gestion catastrophique, absence d’autorité : qui arrêtera l’hécatombe sur les rails ?
La terrible collision de deux trains qui a fait un mort et 121 blessés, dont cinq dans un état grave, est venue confirmer la tendance à la hausse des accidents ferroviaires ces dernières années. Elle rappelle le déraillement d’un train assurant la liaison Alger-Réghaïa qui avait fait, en novembre 2014, trois morts et une centaine de blessées. D’autres accidents de même type, mais moins médiatisés, ont eu lieu au cours de ces derniers mois. Sans compter les cas de véhicules ou de piétons percutés par des trains, signalés quotidiennement par la presse un peu partout à travers le pays, et qui ont atteint des seuils préoccupants. Accidents qui sont souvent dus au laisser-aller et à l’absence de surveillance dans de nombreux passages à niveau. Un constat alarmant qui dénote l’état de déliquescence dans lequel se trouve ce secteur névralgique du transport en commun, sans que les autorités concernées daignent prendre les mesures nécessaires pour stopper cette hécatombe sur les rails.
Pourtant, le syndicat des cheminots ne rate aucune occasion pour tirer la sonnette d’alarme sur la situation catastrophique qui prévaut au sein de la société qui peine à se redresser, malgré un plan de restructuration et de remise à niveau et les milliards de dinars injectés par l’Etat pour ce faire. Les grèves cycliques qui sont déclenchées par les employés de la SNTF témoignent de ce malaise profond tant au plan socioprofessionnel qu’à celui de l’organisation ou des relations avec la tutelle.
Le même constat s’applique au tramway : les accidents ont connu ces derniers mois une hausse aussi inquiétante. Le dernier en date remonte au 1er août : un déraillement spectaculaire au centre-ville d’Oran a failli provoquer une catastrophe. L’accident n’a pas fait de victimes, en raison de l’horaire (cela s’est passé à l’aube), mais a causé d’importants dégâts matériels. Deux semaines plus tard, le 16 août, un autre accident de même type a été signalé à Constantine, où une rame du tramway a percuté le mur d’enceinte d’un établissement pénitentiaire. Le nombre de personnes fauchées mortellement en pleine rue par des tramways suit une courbe ascendante et tend à être banalisé.
A chaque fois, les responsables ne fournissent aucune explication sur ces accidents en série qui sont symptomatiques d’une gestion catastrophique à tous les niveaux, et attestent d’une absence criante d’autorité. Les rares fois où des sanctions sont prononcées suite à des accidents ferroviaires, seuls des fonctionnaires ou des cadres dirigeants de la basse hiérarchie sont touchés. Encore que, souvent, les poursuites s’arrêtent au stade administratif. Or, la responsabilité incombe principalement aux différents ministres qui se sont succédé à la tête de ce département si sensible. D’Amar Tou à l’actuel ministre, Boudjemaa Talai, en passant par l’incoercible Amar Ghoul, la situation ne fait qu’empirer, avec un bilan désastreux, qui sera certainement aggravé par les lourdes restrictions budgétaires qui touchent ce secteur, dont plusieurs projets et infrastructures prévus pour l’année en cours – double voie et tramway dans nombre de wilayas – ont été annulés.
A l’impunité dont ces ministres sont assurés, s’ajoute l’opacité qui entoure les enquêtes. A titre d’exemple, la triple enquête – judiciaire, technique et administrative – qui avait été ordonnée par le ministre en poste, Amar Ghoul, à l’issue du déraillement du train Alger-Thénia, en 2014, n’a jamais livré ses résultats complets. Car en dehors de l’imputation de l’accident au conducteur pour excès de vitesse, les autres aspects de l’enquête ont été totalement éludés.
A ce rythme, et dans de telles conditions marquées par une absence flagrante de rigueur, d’autres accidents ne sont malheureusement pas à exclure.
R. Mahmoudi
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