Mokri critique Nahnah, dévoile sa loyauté au FIS et se prosterne devant Erdogan
En prenant la tête du MSP, Abderrezak Mokri se retrouve visiblement dans une position inconfortable face à une mission qui le dépasse totalement. Il n’a pas le charisme et encore moins le capital idéologique «historique» appuyés sur un statut d’activiste de terrain – le fameux «scieur de poteaux» –, dont jouissait Mahfoudh Nahnah au sein de la mouvance islamiste en Algérie, ce qui donnait au «cheikh» une place incontestée parmi les leaders dans le paysage politique algérien où il se présentait comme un rival dangereux, non pas pour le pouvoir qui a su en faire un allié, mais pour le FIS qui s’était lancé dans l’aventure du recours aux armes et au terrorisme. Une question vient à l’esprit : Nahnah se serait-il prosterné toute honte bue devant le Turc Erdogan comme le fait Mokri qui n’hésite pas à se présenter comme son vassal même ?
Par ailleurs, il suffit de consulter dans les archives les déclarations de Mahfoudh Nahnah pour se convaincre qu’il était un véritable allié du pouvoir au point où des personnalités algériennes expertes en politique disaient même que «Nahnah roule pour le pouvoir». On a beaucoup parlé d’«entrisme» pour caractériser la ligne politique de Nahnah à l’époque, et Mokri veut accréditer cette thèse pour faire passer la ligne que lui-même veut imposer au MSP, non pas la ligne du réalisme, voire du patriotisme, qui inspirait certainement Nahnah, mais tout simplement celle du louvoiement opportuniste en faisant le parallèle avec ce qu’a fait son maître Erdogan avec l’armée turque.
Pour couper avec le legs de Nahnah, il ne reste à Mokri qu’à recourir à de vaines tentatives de se distinguer en déformant la ligne et les choix du fondateur du MSP Mahfoud Nahnah dont il «critique» la démarche à partir d’une évaluation fausse de la participation de celui-ci, qui était basée sur une adhésion consciente au consensus antiterroriste mis en place dans les années 1990 et en pleine connaissance de l’enjeu qui était la sauvegarde de l’Algérie. Le symbole de ce consensus antiterroriste a été Bouslimani, président de l’association Irchad oua islah et proche de Mahfoudh Nahnah, enlevé en novembre 1993 puis assassiné. On est loin de la petite tactique de Mokri pour prendre un strapontin dans les instances en laissant croire que le MSP s’inscrit ainsi dans une stratégie de prise du pouvoir. C’est cette petite tactique qu’il vient de confirmer dans sa communication présentée à Doha, au Qatar, où se sont réunis les dirigeants des Frères musulmans à la recherche de formes d’adaptation qui permettraient la survie de leur mouvement menacé par l’évolution des événements dans les pays, comme l’Algérie, qui sont leurs cibles.
Les islamistes du MSP opposés à Mokri sont convaincus que la place «naturelle» du MSP est au sein du pouvoir, dans le gouvernement, au «centre des décisions», et dans ce but, toutes les initiatives sont bonnes. Ils estiment que c’est la substance de la ligne politique de Cheikh Nahnah. C’est le projet de Bouguerra Soltani : préparer la base islamiste à l’illusion que le MSP pourrait occuper une place centrale et influente dans la prise de décisions. Pour cela, pas de chaise vide, pas de boycott, mais la participation et la présence permanente dans les événements politiques, disent les tenants d’une politique d’alliance avec le pouvoir, qui donne pour argument le fait que le MSP doit devenir un acteur incontournable sur la scène politique, en perspective des évolutions futures encore incertaines.
En fait, ceux, au sein du MSP, qui ont goûté au pouvoir savent qu’il présente des avantages non négligeables, à condition d’arrondir les angles. C’est ce que fera Mokri, après bien des circonvolutions.
Houari Achouri
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