Veto d’Obama annulé, caisses vides, fronde sociale : sale temps pour les Al-Saoud
Hier, mercredi, les élus du Congrès américain ont annulé le veto du président Barack Obama sur une loi autorisant les proches de victimes des attentats du 11 septembre 2001 à poursuivre l’Arabie Saoudite. Appelé Justice Against Sponsors of Terrorism Act (Jasta, justice contre les sponsors du terrorisme), le projet de loi est ainsi adopté et la loi peut entrer en vigueur. Elle permet de retirer au gouvernement saoudien son immunité souveraine face aux tribunaux américains. Les Al-Saoud seront donc bel et bien jugés dans cette affaire. Les familles des victimes des attentats du 11 septembre, les plus meurtriers de l’histoire des Etats-Unis, sont convaincues que le gouvernement saoudien avait apporté un soutien financier aux terroristes, majoritairement des Saoudiens (quinze sur dix-neuf), auteurs des quatre attaques.
Pour cette raison, elles vont poursuivre devant des tribunaux américains la famille royale saoudienne, ainsi que des banques et d’autres institutions du royaume. C’est le signe de la fin d’une relation privilégiée dont a bénéficié, en toutes circonstances, l’Arabie Saoudite avec Washington. La famille Al-Saoud l’a sans doute compris bien avant, puisqu’en jouant à fond sur la dimension confessionnelle sunnite, elle a commencé à tisser son propre réseau d’alliés composés de pays dont elle a bien «arrosé» les dirigeants. Le royaume wahhabite a toujours utilisé la religion mise au service de ses ambitions hégémoniques, pour étendre sa domination dans la région et remplir la fonction de gendarme au service des pays occidentaux et des Etats-Unis en premier lieu, en empêchant tout changement démocratique et progressiste allant dans le sens des intérêts nationaux des pays de la région.
A l’intérieur du royaume, la religion a servi à légitimer et perpétuer le pouvoir de la dynastie des Al-Saoud appuyée sur les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni. La loi Jasta met plus que jamais la monarchie saoudienne dans une position plus que défensive, d’autant plus que sa situation financière est catastrophique. En fait, c’est toute la stabilité du pays qui a été violemment secouée par la chute du prix du baril qui a réduit de façon drastique sa manne pétrolière. Le royaume traverse des situations très rarement vécues comme celle du personnel d’un hôpital qui a passé les fêtes de l’Aïd sans être payé (voir article d’Algeriepatriotique du 20 septembre 2016) et qui fait grève pour réclamer le paiement des salaires, dans le cadre de la montée d’une fronde sociale inédite.
Le secteur privé, alimenté habituellement et abondamment en pétrodollars par les banques, se trouve en sérieuse difficulté, ce qui impacte fortement toute l’économie du pays, placé dans une position intenable. Privés de leur rente pétrolière, les Al-Saoud ne savent plus comment financer le déficit budgétaire qui ne cesse de croître depuis deux ans, un record en 2015, à 98 milliards de dollars et qui se rapproche des 14 % de son PIB. Ils ont été obligés de recourir à l’endettement extérieur cette année. Ils ont commencé par couper dans les subventions publiques puis se sont attaqués aux salaires de leurs «clientèles» placées dans les rouages du royaume, y compris les ministres dont les salaires seront amputés de 20%, et les membres du Conseil de la choura – l’Assemblée consultative du pays – dont les indemnités annuelles seront réduites de 15%.
Et tous les soutiens de la dynastie, planqués dans les institutions, n’auront plus droit aux voitures de fonction. Incroyable, quelle déchéance ! En plus, la famille Al-Saoud est embourbée dans la guerre lancée en mars 2015 contre le Yémen, alors que leurs protégés subissent des revers décisifs en Syrie. Le processus de réformes politiques, sociales et économiques qui pourrait sauver l’Arabie Saoudite risque, dans un premier temps, inévitablement de déséquilibrer complètement le pays et déstabiliser le régime. Les Al-Saoud, bye, bye ?
Houari Achouri
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