Une configuration Clinton-Sarkozy : quelles conséquences pour l’Algérie ?
Dans quelques mois, nous en saurons plus sur les noms des nouveaux dirigeants de deux grandes puissances, les Etats-Unis et la France. L’année 2017 s’annonce, en effet, comme fondamentale dans le jeu politique international avec la survenue probable d’une phase de rupture nouvelle que les mandats d’Hillary Clinton et Nicolas Sarkozy présupposent. Même s’il n’est pas certain que l’un ou l’autre puisse arriver au pouvoir, il est intéressant d’évaluer les conséquences immédiates pour l’Algérie d’un retour des faucons de l’interventionnisme atlantiste comme le pire des scénarios à venir. Pire, dans le sens d’un durcissement des positions occidentales dans le traitement des grandes questions de sécurité internationale, notamment, le terrorisme islamiste de Daech, la Syrie, l’Ukraine et la stabilisation de la Libye. En émettant l’hypothèse d’un retour des années de plomb, nous ne faisons que suivre un axe du pire dans l’élaboration d’une nouvelle politique extérieure destinée à parer les contre-chocs d’une géopolitique mondiale incidente sur le devenir de l’Algérie. Ce qui risque de se produire à Damas ne sera, en effet, pas sans conséquences sur l’environnement de l’Algérie.
Hillary Clinton et sa «tâche première»
Au sujet de la Syrie, la candidate démocrate a été très claire : il faut établir un tournant à 180° dans le traitement du dossier syrien, ce qui signifie un changement catégorique de régime et le départ effectif de Bachar Al-Assad. Encore, en juillet dernier, Jeremy Bash, un des conseillers d’Hillary Clinton, s’était chargé de déclarer sans ambages au journal britannique The Telegraph, les intentions du candidat démocrate contre les tergiversations de l’actuel locataire de la Maison-Blanche. Il faut noter la promesse électorale d’Hillary Clinton comme un élément important dans le remodelage du conflit syrien en faveur d’une accélération de la volonté d’en finir avec Bachar Al-Assad : ce sera la tâche première de son mandat (First Task). Et, à ce propos, Clinton trouverait un allié de taille en Nicolas Sarkozy, s’il venait à être élu. Nous connaissons, en effet, l’expérience libyenne du candidat en lice des Républicains français comme un élément fondamental de l’interventionnisme atlantiste que même la gauche hollandienne n’a jamais remis en cause. En évinçant par la force le président Mouammar Kadhafi, Sarkozy avait fait preuve d’une grande allégeance aux principes fondamentaux de sécurisation de la zone d’influence occidentale au Proche-Orient et au Moyen-Orient. Le risque est donc très élevé que les Etats-Unis, appuyés de leurs alliés traditionnels, emploient des moyens militaires accrus pour destituer le Président syrien.
Comment donc réagirait l’Algérie face à un démantèlement des derniers bastions d’Al-Assad, sachant que sa politique d’équilibre parfait et d’entente cordiale, risque de voler en éclats ? Les Etats-Unis ne percevant pas l’Algérie comme une véritable menace immédiate, monnaiera vraisemblablement ses positions de force au Maghreb dans le dossier du Sahara Occidental et dans la négociation des cours du pétrole brut, comme de légères concessions plus destinées à faciliter au plan géopolitique mondial, l’émergence d’un GMO (Grand Moyen-Orient), qu’à se soucier d’une rivalité algérienne somme toute insignifiante. En effet, enclavée entre un grand Sahara et la mer Méditerranée, et perdant peu à peu ses relais iranien et syrien, l’Algérie du Président Bouteflika ne sera pas en mesure de soutenir plus longtemps les derniers représentants du fameux «axe du mal» et sera presque forcée, à terme, à faire des concessions sur le dossier sahraoui. A moins qu’Alger ne décide de se repositionner définitivement et contre ses récriminations légendaires de neutralité et de légalité internationale, dans le giron de Moscou, Pékin, Damas et Téhéran. Mais nous sommes encore loin d’un tel scénario.
Hillary Clinton et la fin du containment de Daech
La candidate démocrate veut également accélérer les frappes contre Daech, notamment en Irak, afin d’expulser les réseaux terroristes vers la Syrie. C’est l’objectif déclaré d’Hillary Clinton dans le fameux débat télévisé organisé avec Donald Trump. Cette stratégie de la tension permanente corrobore l’objectif d’atteindre Al-Assad comme first task en portant le feu dans la maison syrienne coûte que coûte. Les délais ? L’année 2017, au plus tard. Hillary Clinton est également en passe d’accélérer la lutte contre Daech en déclarant qu’il ne s’agira plus seulement de contenir la menace terroriste, mais de l’anéantir. En cela, elle confirme sa position ferme sur le dossier libyen – déjà en œuvre comme secrétaire d’Etat d’Obama –, ce qui ne sera pas sans conséquences sur la sécurité frontalière de l’Algérie orientale.
Si l’on peut comprendre que les éléments de Daech présents en Syrie pourraient servir indirectement à éliminer le président Bachar Al-Assad, ce que les Russes ont parfaitement compris, on peut également se demander à quoi servirait un départ massif de djihadistes vers la Libye voisine de l’Algérie. En tout état de cause, le couple Clinton-Sarkozy arrivé au pouvoir ferait se réactiver tous les réseaux djihadistes qui pullulent en Afrique du Nord, dans leur stratégie de défense face aux frappes occidentales. Soit qu’ils battent en retraite de Syrie, ou qu’ils continuent leur djihad macabre contre la Libye et en direction de l’Algérie, les terroristes de Daech continueront d’être employés à bon escient dans les assauts de l’Occident contre les derniers régimes non-alignés du monde arabe.
C’est, d’ailleurs, dans cet esprit de remise en cause d’un équilibre déjà précaire que les Iraniens se préparent à une possible rupture des engagements signés à Genève sur l’arrêt de leurs activités nucléaires. Bien qu’ayant accepté la teneur de ces accords, il n’est pas certain qu’Hillary Clinton puisse contenir toutes les oppositions de la partie israélienne, dont celle de l’actuel Premier ministre, Benyamin Netanyahou. D’ores et déjà, la candidate démocrate a promis de conserver à Israël «son avantage stratégique régional».
Ainsi, la politique équilibriste de l’Algérie en direction de l’Orient risque de connaître de fortes turbulences, comme elle en connut récemment dans sa relation avec la monarchie saoudienne embourbée dans le conflit yéménite. Quelle position adoptera le président Bouteflika, ancien ministre des Affaires étrangères de Boumediene, si les derniers bastions du tiers-mondisme et du non-alignement venaient à disparaître sous les injonctions d’une Hillary Clinton en furie contre Daech et Bachar Al-Assad ?
Dr Arab Kennouche
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