Message confidentiel d’un diplomate marocain influent : «Les pays du Sahel reconnaissent le leadership de l’Algérie»
Des courriers électroniques adressés par l’ancien directeur des affaires africaines au ministère des Affaires étrangères marocain et actuel ambassadeur du Maroc au Nigéria, à ses supérieurs, révèlent l’acharnement du Makhzen à faire un abcès de fixation sur l’Algérie. Moha Ouali Tagma, ce diplomate marocain décoré des insignes de chevaliers de l’Ordre national du mérite de la République française, s’inquiète dans un de ces messages que les pays africains reconnaissent le leadership de l’Algérie dans le domaine de la lutte antiterroriste dans le Sahel. Un constat fait à l’issue de la réunion du Panel sur le Sahel et le Maghreb. Cet artisan du retour du Maroc à l’Union africaine reprend les propos du vice-ministre algérien de la Défense nationale, Ahmed Gaïd-Salah, qui estimait que «l’argent du trafic du kif finance le terrorisme ainsi que le trafic de la cocaïne et les rançons payées par l’Occident». «Les pays du Sahel n’ont pas remis en cause ces déclarations ni l’hégémonie de l’Algérie», écrit encore Moha Ouali Tagma, appelant ses supérieurs à «réactiver la Censad», la Communauté des Etats sahélo-sahariens qui comprend le Niger, le Benin, le Mali, le Sénégal, le Nigéria, le Togo la Tunisie, la Guinée, la République de Centrafrique, la Libye, les Comores, le Burkina Faso et la Gambie, mais pas l’Algérie.
Abordant le séminaire consacré à la phase post-conflit au Mali et aux perspectives concernant la sécurité, le développement et la bonne gouvernance dans la région du Sahel, l’ancien ambassadeur du Maroc à Dakar écrit : «Compte tenu que l’Algérie ne recule devant rien pour porter préjudice aux intérêts de notre pays, il serait souhaitable de durcir le ton». Il préconise, ensuite, une série de propositions pour saboter les efforts de l’Algérie, en mettant en avant le fait que si le Sahel «est aujourd’hui une zone d’insécurité, c’est à cause aussi des interférences de certains Etats de la région (comprendre l’Algérie, ndlr) qui ont utilisé les divisions culturelles et les particularismes locaux à des fins de politique d’hégémonie dans la sous-région». «Le Sahel ne doit pas être pris en otage des politiques d’hégémonie et ne doit pas devenir un terrain de compétition», a ajouté le sujet de Mohammed VI qui avait appelé, par ailleurs, à manipuler les chefs d’Etat «amis» du Sénégal, de Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, du Gabon et de la Guinée équatoriale pour «obtenir la majorité de deux tiers des Etats membres de l’Union africaine sur le projet de résolution de suspension» de la République sahraouie de l’organisation panafricaine.
Mais le diplomate marocain ne se contente pas de traiter le dossier du Sahel. Celui qui a mené les négociations pour l’adhésion du Maroc à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) au milieu des années 1990, s’intéresse de très près à l’emploi du temps du Premier ministre algérien. En effet, lit-on dans un de ses courriels à sa hiérarchie, Moha Ouali Tagma établit un rapport détaillé sur une visite que devait effectuer Abdelmalek Sellal aux Etats-Unis. «Il (Abdelmalek Sellal, ndlr) s’entretiendra avec Al Walker, PDG du groupe pétrolier américain Anadarko, qui exploite en partenariat avec la Sonatrach les grands gisements du bassin de Berkine, le PDG de General Electric, Jeffrey Immelt, dont le groupe avait décroché en 2013 un contrat de 2,2 milliards de dollars, pour réaliser en Algérie six centrales électriques et un complexe de production de turbines à gaz, les PDG des groupes AGCO, Product & Chemicals et Varian, la secrétaire américaine au Commerce Penny Pritzker», écrit-il. Puis, il développe davantage le programme de la visite de Sellal qui, note-t-il, «prendra part (…) au forum économique qui va accueillir près de 300 participants issus du monde des affaires», «participera (…) au sommet politique qui va rassembler les chefs des délégations africaines et le président» et «interviendra lors la deuxième session de ce sommet, consacrée au thème de la paix et de la sécurité régionale».
Si le représentant marocain s’intéresse autant à ce déplacement de Sellal aux Etats-Unis, c’est, explique-t-il, parce que le Maroc devait intervenir sur le même thème. «Raison de plus pour que notre papier soit distribué», conseillait-il à son ministre des Affaires étrangères.
Karim Bouali
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