Riyad lâche Le Caire, Le Caire lâche Rabat et se tourne vers Alger : l’histoire d’une relation quadrilatérale complexe
L’Egypte se rapproche de la position algérienne sur la question du Sahara Occidental et abandonne le Maroc sur ce terrain. Cette attitude de l’Egypte, favorable à l’Algérie, est la conséquence par «ricochets» de la détérioration, qui se profilait depuis quelques mois, de ses relations avec l’Arabie Saoudite qui est parmi les plus fermes soutiens du Maroc dans son annexion du Sahara occidental. Un des indices de cette évolution est très net : lundi 10 octobre, le président du Conseil national sahraoui, Khatri Addouh, se trouvait en Egypte, à Charm El-Cheikh, pour participer à la première réunion conjointe des Parlements arabe et panafricain en présence en particulier du président du Conseil des ministres égyptien, Chérif Ismail, du président du Parlement égyptien, Ali Abdelaal, et des membres du gouvernement égyptien. Khatri Addouh a rencontré, à cette occasion, le président du Parlement égyptien et des groupes parlementaires d’Egypte.
En l’invitant à la réunion de Charm El-Cheikh, l’Egypte a offert au président du Conseil national sahraoui l’opportunité de s’entretenir avec les autres délégations arabes et africaines et de plaider la cause de l’indépendance du Sahara Occidental. Le fait déterminant qui va certainement accentuer encore plus le tournant de la diplomatie égyptienne sur la question sahraouie, à travers le rapprochement avec Alger, est la décision prise, ces derniers jours, par l’Arabie Saoudite de suspendre la livraison à l’Egypte de 700 000 tonnes de produits pétroliers qui représentent 40% de ses importations en la matière. L’Egypte a lancé des appels d’offres pour combler cette part dont l’a privée l’Arabie Saoudite. En fait, pour s’assurer d’un approvisionnement régulier en pétrole, l’Egypte est obligée de se tourner vers l’Algérie.
Le facteur politique est toujours inclus dans les transactions qui portent sur le pétrole et le gaz. Et on sait que, pour la diplomatie algérienne, par principe, la question sahraouie est centrale dans toutes ses activités au sein de l’Union africaine et dans d’autres espaces internationaux multilatéraux, mais également dans ses relations bilatérales, y compris quand elles ont un caractère économique et commercial. En achetant le pétrole algérien, l’Egypte va rompre le lien de dépendance vis-à-vis de l’Arabie Saoudite et n’aura aucune gêne à lâcher en même temps le Maroc. Les observateurs ont mis la dégradation des relations entre l’Arabie Saoudite et l’Egypte sur le compte du vote égyptien favorable à la résolution russe sur la Syrie présentée dernièrement au Conseil de sécurité où l’Egypte représente le monde arabe.
En effet, les positions des deux pays sur la Syrie et même sur le Yémen sont différentes, voire divergentes, sur fond de désaccords profonds en matière de lutte antiterroriste. Les observateurs ont noté que la présence de l’Egypte dans la coalition arabe dirigée par l’Arabie Saoudite, qui fait la guerre contre le Yémen, n’est motivée que par la contrepartie financière fournie par les Al-Saoud et que sur le terrain, elle ne se manifeste pas par des troupes comme promis. Mais la question sahraouie a constitué également un élément de divergence entre l’Egypte et l’Arabie Saoudite. De ce point de vue, il y a eu des signes moins perceptibles, mais qui ont fortement mécontenté le Maroc, et certainement aussi son principal soutien, l’Arabie Saoudite, comme en juillet 2016, avec la participation de représentants de l’Egypte au congrès extraordinaire du Front Polisario, une participation interprétée comme une forme de soutien à la cause sahraouie.
Bien avant, en octobre 2014, le secrétaire général du ministère de la Culture égyptien était allé s’entretenir avec Mohamed Abdelaziz, alors président de la RASD, et avait visité la radio et de la télévision du Polisario. Cette fois, la loi de la transitivité qui s’applique sur les relations complexes entre l’Egypte, l’Arabie Saoudite, le Maroc et l’Algérie, a eu un effet clarificateur et bénéfique pour le peuple sahraoui qui gagne, avec l’Egypte, un soutien de poids.
Houari Achouri
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