Un Salon du livre sans Zakad
Par Samia Ziriat-Bouharati – Il y aura désormais deux Sila. Ceux d’avant 2016 et ceux qui suivront. Parce qu’il manquera un homme ; Abderahmane zakad était son nom.
Celui qui aurait voulu être, espéré, souhaité, rêvé l’espace d’une seule fois, rien qu’une petite fois, être considéré, «en invité de marque», mais ça, c’était trop demander, juste invité en tant qu’auteur, pour avoir écrit, pris la peine de noircir des pages et des pages pour décrire la société algérienne, celle qu’il aimait tant ; l’Algérie des mendiants, des malades mentaux , des SDF, des marginaux, des laissés pour compte, des femmes errantes, des femmes vagabondes. Combien en avait-il donné en amour, en temps, en argent ?
Car combien de fois, il m’avait dit, qu’il fallait être avec ceux-là, partager leurs souffrances, leurs déboires pour pouvoir écrire sur eux.
Car, sont-ils nombreux, qu’ils soient auteurs, sociologues ou psychologues, ceux qui sont capables de s’arrêter, s’agenouiller devant un mendiant, discuter avec les jeunes qu’il saluait juste pour montrer de l’intérêt ? «Saha les jeunes !» ; il s’adressait aussi aux femmes, aux vieux, aux vieilles, dans le métro, dans la rue…
De ces prix qu’on décerne, tu n’en auras jamais reçu ! De ces salons d’honneur, tu en auras toujours été exclu ! Mais ne t’en fais pas, cher Dahmane ; ni les salons ni les prix ne peuvent donner l’amour, car c’est ce que tu as finalement cherché ! Ta vraie récompense fut que tu sois parti sans souffrance, sur la pointe des pieds, sans fanfare ni trompette. Tu as même choisi le jour ; le jour de l’Aïd.
Le drapeau sur ton cercueil, au cimetière de Garidi, tu tirais ta révérence. Le troubadour infatigable, comme l’Abbé Pierre. J’aimerais te donner ce qualificatif : «la voix des sans-voix» s’est éteinte.
Repose en paix âmmi Dahmane !
S. Z.-B.
Comment (3)