Un colloque à Paris pour dévoiler le régime d’Erdogan et sa politique syrophobe
C’est le Centre international de géopolitique et de prospective analytique (CIGPA), que préside Mezri Haddad, qui a organisé, samedi 15 octobre, cet important colloque consacré aux «conséquences de la politique turque sur les mutations géopolitiques et les grands défis stratégiques contemporains». Il a réuni des personnalités politiques, intellectuelles, diplomatiques et universitaires arabes et européennes, et s’est déroulé à l’Hôtel d’encouragement pour l’industrie nationale, dans le sixième arrondissement de Paris. Quinze intervenants et modérateurs se sont relayés à la tribune pour «décrypter le système Erdogan» en analysant «les conséquences géopolitiques de sa politique intérieure et étrangère» :
Hassan Asfour, ancien ministre de l’Autorité palestinienne, Charles Million, ancien ministre de la Défense, Michel Raimbaud, ancien ambassadeur de France et membre de CIGPA, Renaud Girard, professeur à Sciences-Po Paris et géopolitologue du Figaro, Caroline Galectéros, chroniqueuse du Point et officier de réserve des armées, Younous Omarjee, député européen, Bernard Godard, ancien cadre des Renseignements généraux, Jean Marcou, professeur à l’Institut d’études politiques de Grenoble, Abdel-Latif Menawi, intellectuel égyptien et patron de la télévision Al-Ghâad, François Campagnola, juriste et chercheur associé à l’IPSE, Zohra Mansour, ancienne dirigeante féministe libyenne, David Rigoulet Roze, rédacteur en chef de la revue Orients Stratégiques, Mohamed Troudi, enseignant à Paris XII et chercheur associé à CIGPA, Khaled Zaghloul, correspondant du quotidien Al-Ahram et Jacques-Marie Bourget, grand reporter et ancien correspondant de guerre de Paris Match.
Dès l’ouverture de ce colloque qui a duré près de six heures, son président Mezri Haddad a tenu à préciser que «cette rencontre ne vise pas à stigmatiser la Turquie et son grand peuple, mais à disséquer le régime Erdogan quinze années après son instauration». «C’est l’essence même et la finalité de notre centre d’analyser les revers du présent pour conjecturer l’avenir», a ajouté le président de CIGPA, un think tank fondé par lui il y a à peine six mois, et qui est déjà à son second colloque international, le premier ayant été consacré au bilan critique du «printemps arabe».
Le premier à prendre la parole, dans la séance consacrée «aux sources de l’impérialisme turc, du califat ottoman au panislamisme erdoganien», a été le Palestinien Hassan Asfour, dont la conférence s’intitulait «La Turquie des Frères musulmans est bien néo-ottomane», qui a été complétée par celle du second intervenant, David Rigoulet-Roze, sur «les ambitions néo-ottomanes de Recep Tayyip Erdogan». Le chercheur à l’IPSE François Campognola s’est penché sur la question «du kémalisme à l’islamisme, comment la Turquie a-t-elle basculée de la république séculière à la république islamique ?»
La seconde séance, «Tensions dans les relations entre la Turquie et les pays arabes : la fin de l’équilibre stratégique post-accords Sykes-Picot», a vu défiler tour à tour Caroline Galactéros (La Turquie au Moyen-Orient ou l’art de jouer sur tous les tableaux), Abdel-Latif Menawi (La Turquie et les Frères musulmans en Egypte), Michel Raimbaud (La Turquie et la crise syrienne), et Zohra Mansour (Rôle de la Turquie pendant et après la chute du régime libyen).
C’est la troisième et dernière séance, «Turbulances dans les relations entre la Turquie et le monde occidental : la quadrature du cercle», qui a été la plus politisée. Dans sa conférence intitulée «L’intégration de la Turquie à l’Union européenne est-elle encore possible ?», l’ancien ministre de la Défense sous la présidence de Jacques Chirac a répondu par la négative. Son successeur à la tribune, le géopolitologue Renaud Girard est allé dans le même sens, considérant que «la Turquie est un allié qui ne se comporte plus comme tel». Le professeur Jean Marcou a pour sa part abordé la question épineuse «des enjeux contemporains des relations turco-américaines». Grand spécialiste de l’islamisme en France, l’ancien haut cadre des Renseignement généraux s’est penché sur «les réseaux Frères musulmans de la Turquie en Europe». Quant au député européen Younous Omarjee, il a traité le problème douloureux des réfugiés syriens aux frontières turques, d’où il est revenu d’une mission d’observation pour le compte du Parlement européen.
C’est Pierre Berthelot, responsable des études méditerranéennes de l’IPSE et directeur de la rédaction de la revue Orients Stratégiques, qui a prononcé la synthèse en laissant à Mezri Haddad le mot de la fin. Eloquant et ironique, le président de CIGPA s’est dit très satisfait par le déroulement et la haute facture d’un colloque «décidé pour mieux comprendre la situation en Turquie, la dérive autocratique de son calife sans trône, ainsi que le rôle destructeur que son régime a joué dans la guerre contre la Syrie». Regardant la salle et fixant particulièrement l’attaché naval de l’ambassade de Russie en France, Mezri Haddad a lâché : «Avec la nouvelle tournure dans les relations turco-russes, on peut espérer que par l’influence de Vladimir Poutine qui soutient à juste titre la Syrie, le président turc changera sa politique à l’égard des pays arabes et renoncera à son ambition néo-ottomane dans la région.»
Lina S.
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