Le chef de l’Etat soulève pour la première fois la question de la presse électronique : régulation ou mise au pas ?
Dans son message à l’occasion la célébration de la Journée nationale de la presse, le président Bouteflika a souhaité que la presse électronique en Algérie puisse être soumise, à l’instar des autres segments médiatiques, à une forme de «régulation». Se référant aux démarches entreprises dans beaucoup de pays pour «réguler» cette presse, il exhorte journalistes, responsables de l’Etat et société civile à «réfléchir ensemble à cette question dans notre pays». Pour le président Bouteflika, il s’agit d’un défi pour l’Algérie tout entière du fait que la presse électronique «provient souvent de pays étrangers et permet de diffuser des insinuations calomnieuses et injurieuses, de semer les idées subversives voire de s’attaquer ouvertement et sans aucun scrupule, à notre peuple et à notre pays», a-t-il argué.
Faut-il, alors, s’attendre dans les semaines et les mois à venir à la mise en œuvre de cette instruction du chef de l’Etat par le ministère de la Communication pour préparer un texte de loi portant sur la régulation de la presse électronique ? Cela devrait commencer d’abord par une reconnaissance officielle de ce type de presse, désormais dominante, car aucune législation algérienne n’y fait référence. Ce qui n’a pas empêché la prolifération des sites d’information traitant de l’actualité nationale, en plus des titres de la presse écrite qui disposent de leurs propres sites électroniques.
Il faut dire qu’une telle disposition est à double tranchant. Si, d’un côté, l’autorisation légale de cette presse en Algérie est susceptible de la booster, en permettant aux nombreux sites existants d’évoluer dans la légalité, avec tous les avantages que cela peut leur apporter – accès à l’information officielle et à la publicité soumise au monopole de l’Etat –, une éventuelle régulation ne pourrait qu’accroître la censure et faciliter d’autres mesures coercitives sur ces organes. Une sorte d’épée de Damoclès serait ainsi maintenue sur les sites et limiterait à coup sûr la liberté de ton dont ils jouissent. Car ce qui intéresse réellement les autorités est moins d’organiser ou de réguler cette presse que de la museler et de la domestiquer.
Vue sous un autre angle, cette analyse du chef de l’Etat est certainement une reconnaissance du rôle de plus en plus important que joue la presse électronique, et prouve que le pouvoir a bien compris que celle-ci supplante réellement la presse traditionnelle qui, elle, est confrontée à des difficultés économiques et est soumise au chantage à la publicité étatique, sachant que la grande majorité des journaux sont à deux doigts de mettre la clé sous le paillasson et que des milliers de journalistes risquent de se retrouver au chômage.
Enfin, cette exhortation du chef de l’Etat coïncide avec l’approche d’une élection qui s’annonce aussi houleuse que capitale pour les prochaines échéances politiques, que le pouvoir cherche à contrôler en amont et en aval. C’est dire à quel point ce dernier craint que les réseaux sociaux et les sites électroniques puissent peser dans le choix des électeurs dans un sens qui n’est pas souhaité.
R. Mahmoudi
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