Le FLN de 1989 à nos jours : une longue histoire d’intrigues et de complots
La démission forcée – ou destitution maquillée – d’Amar Saïdani du poste de secrétaire général du FLN, marque-t-elle un nouveau départ de ce parti, sans risques de nouveaux spasmes à quelques mois des législatives ? Tout porte à croire, a priori, qu’avec un Djamel Ould-Abbès à sa tête, la hache de guerre sera momentanément enterrée, dès lors que ce dernier s’est engagé solennellement à se réconcilier avec les opposants à la ligne Saïdani. Ce n’est, bien entendu, qu’une profession de foi. Car l’histoire de ce parti nous a appris que tous les hommes qui se sont succédé à sa tête ont été dégommés par des coups de force : symptôme d’une maladie qui est, avant tout, celle d’un système qui peine à se régénérer. C’est le «réformateur» Mouloud Hamrouche, ancien chef de gouvernement, qui a dit un jour que le FLN – son parti qu’il n’a jamais réussi, du reste, à réformer – est comme condamné à demeurer un parti qui pose toujours problème ; à la société, lorsqu’il est au pouvoir, à ce même pouvoir lorsqu’il décide de s’en retirer. Le constat se vérifie à chaque fois qu’un changement de cap est envisagé, à chaque grand tournant de la vie politique nationale.
Depuis la proclamation du multipartisme en 1989, l’ex-parti unique a traversé des périodes cruciales et connu des ruptures douloureuses. D’aucuns prédisaient sa dislocation, mais il a toujours su s’adapter aux nouvelles réalités et pu survivre grâce à ses relais influents dans les rouages de l’Etat et au crédit dont il continuait – et continue toujours ? – à jouir au sein de l’institution militaire, seul pourvoyeur de pouvoir dans les années 1990. L’armée étant pour lui à la fois une sorte de succédané (l’ALN, ancêtre de l’ANP, a été créée par le FLN historique) et son rival historique, ultime recours de ses proscrits quand ils n’en sont pas les pourfendeurs les plus zélés.
Le cas Saïdani se passe de tout commentaire. Ses attaques effrontées contre l’ex-chef du DRS sont illustratives de cette ambivalence, à la limite de la perversité, qui caractérise les rapports du FLN avec l’institution militaire. Lorsqu’en 1995, Abdelhamid Mehri, alors secrétaire général du parti, signe au nom du FLN le contrat de Rome aux côtés du FIS et du FFS, les «hommes de l’ombre» avaient vite réagi et monté un plan pour le destituer. On fit appel, comme à chaque «complot», à Abdelkader Hadjar. Un complot dit «scientifique» (par opposition peut-être aux méthodes brutales et incongrues qui seront employées plus tard contre Ali Benflis), exécuté par un groupe de caciques de l’ancien comité central, finira par restituer au parti son rôle de soutien du pouvoir, à l’époque où ce dernier en avait tellement besoin pour parer au danger islamiste du FIS.
C’est Boualem Benhamouda, un homme qu’on dit proche de l’institution, mais sans envergure nationale ni ambition politique affichée, qui sera «élu» à la tête du parti dans la perspective des élections législatives et locales de 1997, puis des présidentielles de 1999. Une guéguerre stérile l’opposa un moment au nouveau parti majoritaire, le RND, qu’il accusait d’avoir manipulé les résultats des premières élections à son profit. Pourtant, tout au long de son mandat, Benhamouda se distingua par un loyalisme sans faille à l’égard des nouveaux maîtres.
Arrive Benflis à la tête du parti, en même temps qu’à la tête du gouvernement. Rien ne présageait de nouvelles fissures au sein du FLN désormais majoritaire à l’APN, tant la symbiose paraissait parfaite entre le discours «réformateur» du nouveau FLN, «rajeuni et modernisé» avec celui des institutions de l’Etat. Or, l’homme cachait bien des ambitions, dont, la plus grave aux yeux de ses détracteurs, celle de défendre une «hypothétique» autonomie du parti par rapport au président de la République. En décidant de ne pas apporter sa caution et celle de son parti à la future candidature de l’actuel chef de l’Etat, lui-même issu du FLN, Ali Benflis sera limogé de son poste de chef de gouvernement, la tentative de noyauter le congrès de 2004 ayant échoué. Il ne restait plus alors qu’à lui déclarer une guerre d’occupation de ses sièges, avec le recours à la force et aux bastonnades.
Les mêmes pratiques sont revenues à partir de 2010, pour déboulonner son successeur Abdelaziz Belkhadem, après avoir échappé, une première fois, à la potence grâce aux résultats obtenus par le FLN aux législatives de mai 2012. Mais la nomination d’un nouveau gouvernement, dans lequel le FLN, pourtant grand vainqueur des élections, se trouvera amoindri et dans lequel Belkhadem lui-même ne figurait plus, a donné l’impression à ses opposants que le secrétaire général n’aurait plus les faveurs du président de la République, ce qui les autorisait de fait à l’abattre au moment voulu.
R. Mahmoudi
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