Les Al-Saoud utilisent la famine comme arme de guerre au Yémen : où est l’ONU ?
Au Yémen, les affrontements militaires ont redoublé d’intensité et la coalition conduite par l’Arabe Saoudite utilise la famine comme arme de guerre. En effet, sur le terrain, la situation économique et sociale du pays s’est gravement détériorée après dix-neuf mois de guerre et de bombardements sans discontinuer, qui ont détruit les infrastructures civiles, économiques, sociales et culturelles. Ces destructions, conjuguées au blocus total (maritime, aérien et terrestre) sont à l’origine de la famine et des maladies qui frappent la population dans ce pays, le plus pauvre de la Péninsule arabique. Il apparaît que l’Arabie Saoudite développe la famine comme arme de guerre, avec la destruction des infrastructures économiques (usines, fermes agricoles, animaux domestiques, points d’eau, barrages, etc.). Ainsi, 14,1 millions de personnes souffrent de la famine et la moitié des enfants yéménites sont condamnés à un retard de croissance irréversible selon les données du Programme alimentaire mondial (PAM) établies en juin 2016.
Selon le directeur régional du PAM, Muhannad Hadi, «la faim augmente chaque jour et les personnes ont épuisé toutes leurs stratégies de survie. Des millions de personnes ne peuvent pas survivre sans aide extérieure». «Près de la moitié de l’ensemble des enfants du pays souffre d’un retard de croissance irréversible». «Dans certaines régions comme le gouvernorat de Hodeïda, le taux de malnutrition aiguë globale chez les enfants de moins de cinq ans a atteint 31%, plus que le double du seuil d’urgence définit à 15%».
Après la perte d’emplois pour plusieurs millions de travailleurs du fait des attaques de la coalition contre leurs usines, les fonctionnaires et les salariés ont été privés de leur salaire et se sont retrouvés sans ressources depuis septembre dernier, après la décision du gouvernement Hadi soutenu par Riyad, de transférer le siège de la Banque centrale yéménite de Sanaa, vers Aden. Or, cette ville du Sud Yémen est en proie à l’anarchie et à l’insécurité du fait des actions des groupes terroristes (Al-Qaïda et Daech) et Hadi n’a même pas pu installer le siège, provisoire, de son gouvernement, préférant, sans doute, les luxueux hôtels de Riyad.
Les mauvaises conditions d’hygiène, notamment le manque d’eau potable, la destruction des hôpitaux et le manque de médicaments à cause de l’embargo, ont fini par provoquer plusieurs maladies dont le choléra, dont l’épidémie a été confirmée par l’OMS. Neuf personnes en sont mortes à Aden, selon le ministère de la Santé.
«Dans ses bombardements, l’Arabie Saoudite a désormais décidé d’inclure les vaches, le sorgho et les fermes. Pourquoi s’en prendre à l’agriculture ?», s’interroge le site Al-Ahed, qui estime que s’en prendre délibérément aux activités agricoles du Yémen c’est «léser le Yémen d’après-guerre, qui ne sera pas seulement ravagé par une terrible famine, mais dont la survie dépendra totalement des importations alimentaires». Al-Ahed se réfère à l’universitaire Martha Mundy, professeur émérite de la London School of Economics, qui a constaté que «dans certaines régions, les Saoudiens frappent volontairement des infrastructures agricoles, dans le but de détruire la société civile». Les Saoudiens ont opéré plus de 360 bombardements, dans 20 provinces, visant des fermes, des animaux, l’infrastructure hydraulique, des magasins alimentaires, des banques agricoles, des marchés et des transports alimentaires, selon ce chercheur.
Pourtant, selon la même source, l’Arabie Saoudite a signé le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949, qui stipule spécifiquement qu’il est «interdit d’utiliser contre les civils la famine comme méthode de guerre, d’attaquer, de détruire, d’enlever ou de mettre hors d’usage des biens indispensables à la survie de la population civile».
C’est à Hodeida que la famine est la plus importante et que cette stratégie de guerre est bien visible, avec les attaques de l’aviation de la coalition contre les embarcations des pêcheurs yéménites, dont l’unique moyen de subsistance est la petite pêche, mais sans doute aussi pour isoler cette ville côtière qui reste l’unique entrée maritime que la coalition cherche à tout prix à couper pour empêcher toute entrée de denrées alimentaires et toute aide en provenance de l’étranger.
Houria Aït Kaci
Ancienne directrice de l’agence AAI
Comment (52)