Liban : le Parlement élit un nouveau président de la République
Le Parlement libanais élit lundi un nouveau président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable, après un vide institutionnel de deux ans et demi. Le Parlement devrait porter à la magistrature suprême l’ex-général Michel Aoun.
L’élection de ce chrétien maronite de 81 ans est le fruit d’un laborieux compromis entre les principales factions politiques, habituellement promptes à s’affronter sur tous les dossiers, notamment la guerre en Syrie qui a de fortes répercussions politiques et économiques sur le pays. L’ancien chef de l’armée est un allié du mouvement Hezbollah. Mais il a aussi reçu l’appui inopiné de l’ancien Premier ministre sunnite Saad Hariri, adversaire du Hezbollah au Liban.
Un accord de circonstance donc, qui devrait permettre à Hariri de reprendre la tête du gouvernement et mettre fin à la vacance de la présidence. Sahar Al-Attrache, spécialiste des affaires libanaises à l’International Crisis Group, souligne que «certes, la vacance présidentielle va prendre fin mais ça ne va pas résoudre la crise politique», évoquant «la paralysie des institutions, les grandes divisions sur les questions internes ou externes, surtout la guerre en Syrie».
Sans président depuis 2014
Conformément au pacte national datant de l’indépendance en 1943, le président doit être un chrétien maronite, le Premier ministre musulman sunnite et le président du Parlement chiite. Mais le pays du Cèdre est sans président depuis mai 2014. A la fin du mandat de Michel Sleimane, le Parlement, qui compte 128 députés répartis à parts égales entre chrétiens et musulmans, a tenté à 45 reprises de réunir le quorum nécessaire pour tenir l’élection, soit les deux tiers des députés. Sans succès, puisqu’à chaque fois, les 20 membres du bloc parlementaire de Aoun et les 13 députés du Hezbollah ont boycotté les séances. Cette absence d’un président reflète un malaise politique généralisé et surtout la division profonde concernant la crise en Syrie, entre (le Hezbollah et le parti de Michel Aoun) et (Saad Hariri et ses alliés), dans un pays en outre confronté aux défis engendrés par l’afflux de plus d’un million de réfugiés syriens.
Minées par la corruption, les autorités ne peuvent offrir à la population les services de base, comme le ramassage des ordures, la fourniture du courant électrique, la distribution de l’eau potable ou les stations d’épuration d’eaux usées qui se déversent dans la mer. Pour Carole Charabati, professeure de sciences politiques à l’Université Saint-Joseph, «rien ne garantit des progrès au-delà» de l’élection. «Les calculs de chaque partie vont-ils permettre de construire une stratégie commune sur le long terme ?» s’interroge-t-elle.
Le président devra nommer un Premier ministre
Une fois élu, le président devra nommer un Premier ministre, qui consultera les groupes parlementaires pour former son gouvernement. Et Hariri, ténor de la vie politique libanaise, est donné pour favori. Il avait déjà dirigé le gouvernement entre 2009 et 2011, mais ses détracteurs lui reprochent son absence du pays ces dernières années. Le fils de Rafic Hariri, l’ancien Premier ministre assassiné en 2005, revient affaibli : confronté à des difficultés financières, il doit également gérer le désengagement partiel de l’Arabie Saoudite, son parrain traditionnel. Pour les experts, la formation du gouvernement risque de s’éterniser. «Nous allons voir apparaître les divergences habituelles», pronostique Mme Al-Attrache, qui s’attend à «des luttes serrées pour la répartition des ministères».
En 2009, il avait ainsi fallu cinq mois à Hariri pour former son gouvernement d’union nationale. Et il aura fallu dix mois à l’actuel Premier ministre, Tamam Salam, pour que l’actuel Exécutif voie le jour en février 2014. «Il n’est pas exclu qu’on se retrouve avec un président, un Premier ministre sans gouvernement et un Parlement inopérant» à l’approche des élections législatives prévues à l’été 2017, confirme Mme Charabati. «Ce serait l’impasse», dit-elle.
Le président du Parlement, Nabih Berri, a d’ores et déjà averti que la formation du gouvernement pourrait prendre «au moins entre cinq et six mois», selon le quotidien libanais Al-Akhbar, proche du Hezbollah.
R. I.
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