Pourquoi l’Algérie a-t-elle temporisé avant de condamner l’attaque contre la Mecque ?
Le ministère des Affaires étrangères n’a pas réagi à chaud à la tentative de bombardement de la Mecque par les Houthis, tel que rapporté par les autorités saoudiennes. Contrairement à d’autres pays arabes et musulmans, l’Algérie a temporisé avant de se prononcer sur cette affaire directement liée à la guerre qui fait rage au Yémen et qui est menée par Riyad et une coalition comprenant un certain nombre de pays arabes dont les dirigeants sont liés par des intérêts avec les Al-Saoud. L’Algérie a-t-elle préféré attendre d’avoir un rapport détaillé sur cette attaque avortée avant de se prononcer et de condamner une tentative d’atteinte aux Lieux saints de l’islam ? La position de l’Algérie dans le conflit yéménite est constante depuis le début des hostilités. Appelant les différentes parties à privilégier le dialogue aux armes, l’Algérie a refusé de prendre part à la coalition formée par l’Arabie Saoudite pour mater l’opposition houthie qui représente une «menace chiite», selon la perception saoudienne. Riyad craignant, en effet, une extension de l’influence iranienne à ses frontières.
Le ministre d’Etat, conseiller spécial du président Bouteflika, Tayeb Belaïz, avait admis, lors d’une visite-éclair en Arabie Saoudite, il y a quelques mois, l’existence de divergences entre Alger et Riyad, sans en préciser la nature. Mais il allait de soi que l’ancien président du Conseil constitutionnel faisait allusion à la guerre au Yémen et à la crispation des relations entre les deux pays.
L’Arabie Saoudite avait réagi de façon négative mais insidieuse envers l’Algérie, en empêchant l’atterrissage d’un avion d’Air Algérie à Sanaa, qui devait rapatrier des ressortissants algériens, tunisiens et marocains bloqués au Yémen au début du conflit. Plus grave, Riyad a renforcé sa coopération militaire avec le Maroc en finançant l’achat d’armes, dont un sous-marin de fabrication russe que le Makhzen avait voulu acquérir. Mais des sources proches du dossier ont affirmé à Algeriepatriotique que Moscou «ne compte pas» livrer au Maroc des armes stratégiques, vu sa politique étrangère alignée sur la France, les Etats-Unis et le Conseil de coopération du Golfe, dans le dossier syrien notamment.
L’hypothèse de pressions extérieures qui auraient été exercées sur notre pays pour dénoncer les Houthis sont à exclure, cependant, l’Algérie étant réfractaire aux injonctions étrangères. S’agit-il, alors, d’un revirement ? Là aussi, précisent des sources informées à Algeriepatriotique, il est plutôt question de la condamnation d’un acte «répréhensible» qui n’implique aucun changement dans la position de l’Algérie vis-à-vis du conflit yéménite, et par rapport auquel Alger se tient à équidistance entre les différents belligérants qu’elle souhaiterait voir s’asseoir à la table des négociations pour éviter davantage de drames au Yémen, où la situation humanitaire est épouvantable.
Karim Bouali
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