Que se passe-t-il à la fédération d’équitation ?
Par Abderrahmane Djilali – Il y a quelque temps, j’ai adressé au ministre de la Jeunesse et des Sports une correspondance qui est restée sans retour, ce qui motive mon intervention aujourd’hui, en lettre publique, estimant qu’elle a plus de chance de lui parvenir.
Je suis cavalier international algérien et, comme tout le secteur équestre, et plus particulièrement les activités en rapport avec notre fédération (FEA), je subis les retombées lourdes, dues à une gestion catastrophique causée par le fait que l’assemblée générale est composée d’éléments issus de la fantasia, dite équitation traditionnelle, et de personnes représentant les disciplines olympiques, sous le label d’équitation moderne. Les traditionnels étant en majorité, ils doivent choisir le président parmi les éléments issus de l’équitation traditionnelle.
Voulu probablement à la base comme clé d’équilibre, cela a fini, par contre, par scléroser le fonctionnement au point d’atteindre un point de non-retour. A cause de la gestion qui en découle, notre équitation est catastrophique. Ceci est visible par un état de délabrement de certaines installations dont la gestion est devenue un enjeu ou sous l’effet d’une volonté afin de récolter des intérêts personnels multiples…
Par les actes, cette approche qui a coupé l’instance d’un fonctionnement normal a permis la prise de décisions contre tout bon sens. Afin d’éviter d’être trop long, et loin d’être exhaustif, nous énumérons des failles dans la forme.
Les statuts passés sous silence
Le président de la FEA dit ne pas les rendre publics car n’étant pas encore effectifs. Or, le dernier bilan a été adopté (à main levée et non par vote à bulletin secret) selon les nouveaux statuts. Ce qui, bien entendu, fait perdre sa crédibilité à ce même bureau fédéral.
En réclamant les statuts, je me suis retrouvé face à une tentative d’intimidation par la menace de me retirer mon autorisation de monter à l’étranger (ceci a été mentionné sur la plainte déposée au TAS). La gestion des règlements sportifs, des choix des dates des championnats, du personnel d’encadrement, témoigne de la présence de conflits d’intérêts flagrants.
Entre autres, le partenaire commercial personnel du président de la FEA a été imposé comme sélectionneur national. Ce professionnel français participe aux compétitions internationales avec les chevaux personnels du président de la FEA pour défendre le drapeau français et n’a pas désigné des cavaliers méritant de faire partie de la dernière sélection alors que les critères annoncés par bulletin officiel étaient clairs. Ce qui a conduit au dépôt d’une plainte au niveau du Tribunal arbitral du sport (TAS).
Les résultats, par ailleurs catastrophiques lors de la Coupe des nations du 7 octobre dernier, ont fini par donner raison aux suspicions qui planent sur l’efficacité de ce bureau fédéral. Malgré les capacités des cavaliers engagés, sur 10 nations engagées, nous avons décroché haut la main la 10e place. Les 9 premières équipes étant dans une grille entre 0 et 8 points, puis l’Algérie avec 44 points de pénalités.
Le poste de représentant des cavaliers a été supprimé. Aucun dialogue de fond, aucune communication réelle n’est possible sur les perspectives et les moyens. Les vrais professionnels sont écartés. Ce bureau fédéral, en trois ans, en est à son troisième SG et cinquième DTN.
Ni les frais engagés lors du CSI du Maroc pour lequel des chevaux, en grand nombre, ont été déplacés par avion avec une délégation forte en nombre ne sont connus, ni le salaire de ce sélectionneur français, qui est cavalier particulier et partenaire commercial dans la vente en Europe des chevaux du président.
Tous les courriers adressés au président sont sans retour, pourtant nous avons eu confirmation qu’il les a bien reçus.
Plusieurs cavaliers fonctionnent sur leurs propres fonds et obtiennent des résultats en compétition internationale, sans pour autant arriver à établir la moindre stratégie de développement, les portes étant complètement fermées. Par contre, un livre d’une grande inutilité a été édité pour 2, 600 milliards de centimes, et croupit dans les locaux de la FEA. Le 1er novembre, un concours international est organisé dans le haras privé du président de la Fédération. En deux catégories : 1 et 3 étoiles. 95% des participants sur le 1 étoile sont des Algériens, et ils devront tout payer, depuis leur transport, leur hébergement jusqu’à leurs inscriptions, s’élevant à 200 euros. Dans l’ensemble, tous classements confondus, ils peuvent gagner 20 000 euros. 95% des participants dans la catégorie des 3 étoiles sont des étrangers. Ils ont une prise en charge totale. Traversée par bateau depuis la France et/ou l’Espagne pour les chevaux et les accompagnants, les billets d’avion pour les cavaliers, l’hébergement sur place avec les repas, les inscriptions et peuvent gagner… 263 000 euros.
Dans son édition de 2015, les cavaliers algériens n’avaient pas le droit de participer aux épreuves les plus dotées, peut-être pour ne pas rafler la mise et empêcher les invités de se faire plaisir ? Sans parler des soirées ouvertes uniquement aux étrangers et interdites aux cavaliers algériens.
Officiellement, ce concours est privé. Pourtant, le personnel fédéral encadre son déroulement tout au long. Et c’est au nom du la FEA que les sponsors sont sollicités. La Fédération équestre algérienne subventionne cette compétition avec 500 millions de centimes (5 millions de dinars), et tout ce que propose le président de cette fédération à ses fédérés, c’est de les faire payer chez lui, un 1er novembre.
Monsieur le Ministre, la liste des méfaits est longue, et celle de ce que nous pouvons faire pour développer ce secteur dans son ensemble, l’industrie du cheval en général, génératrice de richesses et d’emplois, encore plus. Le problème n’est cependant pas en soi la personne du président, mais du cadre. Pour nous en sortir, nous devons séparer les structures de l’équitation traditionnelle de celles des disciplines olympiques. La situation est telle que certains cavaliers envisagent sérieusement de monter en compétition internationale pour une autre nation.
Abderrahmane Djilali
Ancien champion d’Algérie d’équitation, médaillé aux Jeux panarabes
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