Réactions des alliés de Washington : stupeur et opportunisme
La victoire de Donald Trump aux élections américaines a désarçonné la plupart des dirigeants alliés, à tel point que, dans leurs déclarations, ils cafouillent et parfois s’oublient. C’est le cas notamment de la classe politique française qui a littéralement paniqué à l’annonce de l’élection de Trump. Une réaction qui trahit une profonde inquiétude sur les perspectives de la prochaine élection présidentielle qui aura lieu dans quelques mois. La réaction la plus intempestive est venue de François Hollande, qui a été le premier à exprimer son désarroi : «L’élection de Donald Trump ouvre une période d’incertitude», a-t-il déclaré. Mais la phrase la plus forte émane de l’ambassadeur de France aux Etats-Unis, qui s’est montré tellement alarmé qu’il a oublié les obligations de réserves auxquelles il est tenu en tant que diplomate. Il a écrit sur son compte Twitter ce message, avant de le supprimer une heure plus tard : «Un monde s’effondre devant nos yeux.»
Plus froid, l’ex-président et chef de file des républicains, Nicolas Sarkozy, a, lui, estimé dans une première réaction que «le peuple américain a décidé de porter Donlad Trump à la présidence des Etats-Unis d’Amérique. C’est un choix qui doit être respecté», a-t-il tweeté. Traduire : ce choix était malvenu mais il faut toujours savoir se plier à la volonté américaine. Dans un second teweet, plus alambiqué, posté le même jour, il indique que le message du peuple américain «exprime le refus d’une pensée unique qui interdit tout débat sur les dangers qui menacent nos nations». Suivi d’un troisième message : «Nous avons besoin d’une Amérique fidèle à sa tradition de liberté et de démocratie, et qui joue tout son rôle dans les affaires du monde».
Sarkozy se met, ici, dans la position du candidat vainqueur, en se présentant lui-même comme l’alternative à la politique française actuelle, dirigée par les socialistes. Il a toujours reproché à l’actuel président, François Hollande, sa mollesse et son indécision face à la déferlante terroriste qui a visé son pays ces deux dernières années, et prône la manière forte pour défendre les «valeurs identitaires françaises». N’empêche que, dans le fond, Sarkozy craint un revirement de la politique extérieure américaine qui toucherait directement à l’Otan. Donald Trump s’était engagé à ne plus financer cette alliance militaire, ce qui risque de se déteindre rapidement sur le déploiement militaire de la coalition occidentale, notamment dans le Moyen-Orient. Autrement dit, Sarkozy a certainement peur de perdre un allié sur lequel s’appuie toute politique extérieure de la France.
Pour son ami Bernard-Henri Lévy, assommé par la nouvelle de l’élection de Donald Trump, «c’est une victoire du racisme, du sexisme, de l’homophobie, de l’isolationnisme». Le porte-voix de l’internationale sioniste qualifie l’accession du républicain à la Maison-Blanche de «suicide du peuple américain» et de «coup terrible contre l’Europe».
Même attitude gênée chez les autres alliés traditionnels des Etats-Unis. La chancelière allemande Angela Merkel déclarera : «Le partenariat Allemagne-Etats-Unis est, et restera, un élément essentiel de la politique étrangère de Berlin.» Elle tentait d’atténuer la violence des propos tenus par sa ministre de la Défense, Ursula von der Lyen (CDU), qualifiant l’élection de Donald Trump d’«énorme choc».
A Londres, la première ministre, Theresa May, issue du Brexit, tente, elle aussi, de voiler la stupeur exprimée par un large secteur de la classe politique britannique, en essayant de retourner la situation en sa faveur. «Je suis impatiente, a-t-elle déclaré, de travailler avec le président élu Donald Trump.» Le même langage tenu en Israël, éternel protégé de Washington, par le Premier ministre, Benyamin Netanyahu, qui a déclaré être «impatient» de travailler avec Trump, «en faveur de la sécurité, de la stabilité et de la paix dans notre région».
Autre allié important de Washington dans la région, et même de l’Otan : la Turquie. Le Premier ministre, Binali Yildirim, élude les véritables enjeux qui lient son pays aux Etats-Unis (la guerre en Irak et en Syrie…), et appelle le nouveau président américain à livrer à la Turquie, «le plus rapidement possible», le prédicateur Fethullah Gülen, accusé d’avoir fomenté la tentative de putsch raté en juillet dernier.
R. Mahmoudi
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