Une contribution de Houria Aït Kaci – Trump ou le parcours d’un milliardaire patriote
La victoire de Ronald Trump à l’élection présidentielle américaine du 8 novembre face à son adversaire Hillary Clinton n’est-elle pas avant tout un échec de la mondialisation, au cœur même du système qui l’a créé et imposée au monde entier depuis la chute du bloc de l’Est en 1991 ? Le candidat républicain a eu le courage de dénoncer les effets ravageurs du système capitaliste financier mondialisé sur son peuple et l’économie de son pays. C’est un évènement historique de grande portée. Trump, qui est un milliardaire de l’immobilier, a dû constater que les Etats-Unis ne se sont pas relevés de la crise des subprimes de 2007-2008, qui a démarré dans l’immobilier aux Etats-Unis, avant de s’étendre à l’Europe. La crise ne s’est pas estompée et la situation économique et sociale s’est encore dégradée pour des millions d’Américains ruinés, jetés à la rue, des villes désindustrialisées (comme Detroit), des travailleurs mis au chômage, des millions de personnes pauvres et sans protection sociale, attisant les différences raciales et la violence.
Pendant ce temps, une classe minoritaire de super milliardaires voit chaque année ses bénéfices grimper en flèche et les différences de classes s’accentuer. Il n’est plus permis à tout Américain de devenir riche à la force de son travail, selon le principe du capitalisme libéral. Le rêve américain de la première puissance mondiale s’était éteint. Il se propose de le ranimer. Y arrivera-t-il ?
Le milliardaire Trump, qui aurait pu continuer de gérer tranquillement ses affaires et de faire fructifier ses millions, a décidé, lui qui n’a jamais fait de politique, de se lancer dans la bataille pour faire retrouver à l’Amérique sa force (une façon d’avouer qu’elle l’a perdue), sa grandeur, et aux Américains leur rêve. La majorité des électeurs, déçus par les politiciens de l’establishment, ont été attirés par le parler vrai de ce milliardaire patriote.
Trump a été élu par l’Amérique profonde, la vraie, et non celle de Wall Street, celle de l’establishment ou celle de l’Amérique virtuelle d’Hollywood. Il a su écouter cette Amérique profonde et lui parler le langage qu’elle comprend. Certes, la presse américaine et occidentale, qui a présenté Trump comme un excentrique, un bouffon, un extrémiste, a surtout mis l’accent sur ses propos sexistes et racistes (le passage sur l’interdiction d’entrée aux musulmans aux Etats-Unis a été supprimé du site internet de Trump après son élection). La presse mondialisée, affiliée à Wall Street, a par contre occulté – à dessein – les propos qu’il a tenus sur l’injustice et les conditions de vie intenables pour les millions d’Américains ordinaires et les mesures pour relancer l’économie de son pays.
Le programme du candidat Trump comporte des mesures protectionnistes, dénonçant les grands accords de libre-échange signés par les Etats-Unis, accusés d’avoir accéléré les délocalisations d’emplois et la désindustrialisation. Il s’est engagé à créer des millions d’emplois et à reconstruire les villes et les infrastructures, dont les hôpitaux et les écoles.
Trump, plus par pragmatisme que par idéologie, s’est déclaré contre les accords de libre-échange, les délocalisations, l’immigration de travail, soit les principes capitalistes de libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et de la main-d’œuvre, qui fondent la mondialisation imposée au monde entier depuis la chute du bloc de l’Est en 1991.
Populiste, tout en étant de droite, Trump a su utiliser le discours de la gauche, que le candidat Berny Sanders avait su cristalliser mais qui a été écarté à la primaire du Parti démocrate au profit de la candidate des milieux financiers et belliqueux, Clinton, et ce, d’une façon peu orthodoxe, comme révélé par les mails de sa direction de campagne. Trump serait-il un milliardaire révolutionnaire ou tout simplement un capitaliste intelligent, proche des pulsions du peuple américain, pas les riches, les puissants qui vivent dans un autre monde mais les laissés-pour-compte qui constituent la majorité ?
Ceux qui ont des doutes sur l’échec de la mondialisation, reflété par l’élection de Trump, n’ont qu’à lire la déclaration du FMI qui souligne, ce 10 novembre : «Les effets négatifs du commerce international doivent être davantage pris en compte en faveur de ceux qui se sentent laissés-pour-compte.» «Nous devons avoir plus de mesures pour aider à atténuer les effets négatifs et répondre aux inquiétudes de ceux qui se sentent laissés sur le bas-côté», a dit le porte-parole du Fonds, Gerry Rice.
Cette déclaration de l’institution, synonyme de la libéralisation et de la mondialisation sauvages, qui ont mis sur le carreau des millions de personnes dans le monde et pas seulement aux Etats-Unis, prend ici tout son sens pour admettre la faillite d’un tel système et devrait donner à réfléchir à tous les politiciens qui ne jurent que par la mondialisation et qui refusent de voir d’autres alternatives à cette politique.
Le Brexit en juin dernier, l’élection de Trump maintenant, confirment bien la tendance de l’échec de la mondialisation, constaté au cœur même de ses symboles : Wall Street à Washington et La City à Londres. C’est une réalité pragmatique révélatrice de la crise du système capitaliste mondial et de ses contradictions.
Cette politique antimondialisation se reflète aussi à travers les positions en matière de politique étrangère de Trump, en se prononçant contre une guerre avec Moscou et en se déclarant prêt à coopérer avec le président russe, Vladimir Poutine. A l’opposé des démocrates, Trump vient de signifier qu’il s’oppose à la politique de la tension et du climat de guerre froide entretenu par le président sortant Obama et la candidate Clinton. Trump affirme ainsi accepter le monde multipolaire qui signifie qu’aucune superpuissance ne cherchera à imposer sa domination sur le monde.
«Nous allons travailler main dans la main avec les autres nations qui seront désireuses de travailler avec nous. Et je peux vous dire que les relations avec les pays étrangers seront excellentes. (…) Je tiens à dire à la communauté internationale que si nous allons mettre en avant l’intérêt national, nous n’oublierons personne et nous traiterons avec tous les autres pays. Nous essaierons de trouver un terrain d’entente. Nous conclurons des partenariats et pas des conflits», a dit Trump.
C’est un soulagement pour les peuples qui subissent le diktat des Etats-Unis d’entendre un président américain tendre sa main aux autres peuples de la planète, sans arrogance, et promettre non pas des conflits, des destructions mais le dialogue pacifique. Il faut espérer que Trump respectera ses engagements et qu’il saura mener les Etats-Unis d’Amérique sur le chemin de la compétition pacifique avec les autres puissances, au grand profit du progrès de l’humanité et non de sa destruction.
Dans la région du Moyen-Orient et du Maghreb, Trump est déjà attendu sur la fin des conflits qui tuent chaque jour des milliers d’êtres humains et dans lesquels sont impliqués les Etas-Unis et leurs alliés, comme en Syrie, en Irak, au Yémen, en Libye. Les peuples de ces pays n’aspirent qu’à vivre en paix et dans la dignité, tout comme le peuple américain.
Houria Aït Kaci.
Ancienne directrice de l’agence de presse AAI
Comment (24)