Goumeziane parle de gisements financiers «inexploités»
L’économiste Smail Goumeziane prévient contre les risques de recourir à la suppression des subventions sociales. Dans une tribune publiée sur Libre-Algérie, cet ancien ministre du Commerce dans le gouvernement réformateur de Hamrouche considère que la question des subventions qui représentent 27 milliards de dollars/an impacte directement les couches sociales les plus démunies.
«Sans débat incluant tous les acteurs concernés, les mesures préconisées peuvent-elles prétendre à l’efficacité ?» s’interroge-t-il avant d’enchaîner en soulignant que «d’autres gisements financiers existent qui totalisent 23 milliards de dollars par an. Mais pour les capter, il faudrait un large consensus autour d’une réforme sérieuse du commerce extérieur, de la fiscalité et de la politique de change». Pour ce docteur en sciences économiques, «des gisements financiers de l’ordre de 23 milliards de dollars/an existent si le gouvernement veut se donner les moyens d’une réforme et qu’il ne se suffit pas de cibler les couches sociales les plus démunies».
Smail Goumeziane ne pense pas que la réduction des subventions ou carrément leur suppression peut constituer une solution durable à la crise. «En effet, si la nécessité d’une analyse sérieuse de la politique de subventions est incontournable, ne serait-ce que pour en comprendre les avantages et les inconvénients, voire les effets pervers, il reste qu’en la matière toute décision hâtive ou bureaucratique est à proscrire tant ce sujet est particulièrement sensible car touchant, pour l’essentiel, au pouvoir d’achat des couches sociales les plus démunies», alerte-t-il et pour qui «toute restructuration des subventions et modification des mécanismes de leur allocation doivent se faire en respectant un principe essentiel : celui de la progressivité». «Car, soutient cet économiste, on ne peut bouleverser un tel système en une ou deux lois de finances.»
«Certes, la crise des finances publiques est douloureuse mais on ne peut remplacer une douleur, celle subie par les autorités, par une autre douleur, celle subie par les couches sociales les plus démunies. Et la seule baisse, voire suppression des subventions, ne fait pas une politique budgétaire», poursuit Smail Goumeziane qui appelle à l’exploitation des «gisements financiers» existants, notamment les surfacturations liées au commerce extérieur, les transferts invisibles de capitaux et la fraude fiscale, sans oublier les ravages du change parallèle.
Cet ancien ministre parle de quelque 18 milliards de dollars de surfacturations, de 1,5 à 2 milliards de dollars de transferts invisibles de capitaux et de près de 3 milliards de dollars de fraude fiscale. Soit un montant global et annuel de l’ordre de 23 milliards de dollars. Un montant aussi important que celui des subventions estimées annuellement à 27 milliards de dollars. Mais pour «récupérer» toutes ces sommes «invisibles», il faudrait, selon lui, s’atteler au plus vite à trois grandes réformes : «Celle du commerce extérieur, afin d’en maîtriser les flux physiques et financiers ; celle de la fiscalité, pour mettre un terme à la fraude, aux rentes spéculatives et à l’enrichissement sans cause ; celle, enfin, de la politique de change et de l’éventuelle convertibilité du dinar.»
Hani Abdi
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