Le gardien de parking et Donald Trump
Par Abdelouahab Zaatri – Au-delà du choix personnel de chaque Américain et tout en restant autant que possible neutre, on ne peut pourtant manquer d’observer que ces dernières élections américaines ont révélé le rôle que des citoyens déterminés peuvent jouer dans une démocratie pour imposer le changement contre la volonté des systèmes contrôlés, manipulés, scellés par des groupes ayant conquis le pouvoir et se prévalant de la mainmise sur ces pays.
Comme les gaz qui tendent naturellement à s’expanser pour peu que les contraintes le permettent, l’expérience a montré que lorsqu’un pouvoir, même élu démocratiquement, atteint un niveau élevé de contrôle des institutions et de la société, les citoyens se retrouvent face à un état de fait accompli. Le pouvoir semble devenir invincible et indomptable. Les citoyens commencent à souffrir de la difficulté à faire entendre leur voix, à défendre leur droit et à provoquer le changement nécessaire, tant le système oppose une forme de paralysie, d’immobilisme inertiel et de résilience.
Hillary Clinton fait partie du système. Elle connaît les rouages et les méandres des sphères du pouvoir et y participe activement à sa consolidation. Vu de l’extérieur, le système américain est fort complexe à saisir. Il doit assurer en permanence, avec un dosage alchimique, un équilibre dynamique entre la Maison-Blanche, le Pentagone, le Sénat, le Congrès, la CIA, les groupes bancaires, les groupes militaro-industriels, les médias, etc. Hillary Clinton est familière un peu de tout cela. Lors de sa campagne électorale, avec un ineffaçable très large sourire, elle roulait sur du velours, confiante dans le système qui l’a désigné a priori gagnante de fait.
Donald Trump est un milliardaire au caractère qui semble un peu rude. C’est un entrepreneur qui a aussi flirté avec les médias télévisuels. En tant qu’entrepreneur, il connaît les mécanismes des milieux d’affaires, le système de production et de la finance américains. De par son expérience avec les médias, il connaît les éléments de base de la manipulation. Il sait donc comment on fabrique les stars, les puissants, les héros, etc.
La bataille est engagée. Le système américain donne l’impression qu’il est parfait et que tout va bien. Dans sa logique, ne se plaignent que les ratés, les faibles et les incompétents. Le système est tellement sophistiqué que les rares qui osent le critiquer passent pour des désaxés, des déviants et des anarchistes, même s’il s’agit de Roger Moore ou d’Oliver Stone. Le système est scellé comme ne cesse de le répéter Donald Trump : «The system is rigged.» Lutter contre cet «establishment», c’est lutter contre une machine de guerre pratiquement invincible.
Donald Trump joue le rôle de l’outsider, contrairement à Hillary Clinton qui est un bébé du système. Le système soutient donc H. Clinton et s’attaque à Donald Trump. CNN et The New York Time, entre autres, sont ouvertement enragés contre Donald Trump. Wikileaks est bloqué pour éviter de révéler de possibles messages compromettant H. Clinton. Présenté comme politiquement incorrect, Donald Trump est même isolé par de nombreux membres de son propre parti.
Donald Trump est contre le système politique américain, il est contre la réduction du CO2. Il est pour l’exploitation à outrance des hydrocarbures. Il est contre les musulmans, il est antisémite, il est contre les noirs, il est contre les afro-asiatiques, il est contre Daech, ses concepteurs : la CIA et le ministère des Affaires étrangères, ainsi que son géniteur, l’Arabie saoudite. Il est contre les femmes, il est contre les réfugiés. Il n’est pas loin du KKK.
Donald Trump est contre un tas de choses. Mais ce n’est pas vraiment la question. Il est surtout contre le système de fait accompli. Il gêne et déstabilise les stratégies de domination et risque de soulever le voile sur des objectifs discrets et secrets du pouvoir en place. Assez de cette politique étrangère que le citoyen moyen ne parvient plus à en saisir ni les fondements ni les simples éléments au point qu’un candidat indépendant à cette élection présidentielle n’arrive même pas à reconnaître c’est quoi Alep, la ville démolie de Syrie. Donald Trump demande à recentrer la politique américaine comme les Anglais ont quitté l’Union européenne. Dans ce contexte, il tire profit et réveille les démons de l’extrémisme comme en Europe ces dernières années avec le déploiement de l’extrême droite. En effet, historiquement, l’Amérique s’est développée grâce à l’intégration de tout porteur de valeur ou de bénéfice, mais les temps changent.
Hillary Clinton veut perpétuer un système US internationalisé au bénéfice de quelques lobbies et infesté de guerres et de sabotages contre les plus faibles. Un nouveau modèle agressif de guerre technologique du type «no boots on the ground» et de manipulation par la fabrique et le contrôle des intégrismes et des extrémismes.
Les citoyens américains et le vote. Ce qui permit à Donald Trump de gagner les élections contre Hillary Clinton, c’est la solidarité de nombreux citoyens qui se reconnaissent dans son langage, dans sa représentation et dans sa projection des Etats-Unis. Donald Trump représente le citoyen bâtisseur, entrepreneur, sincère et courageux. Il représente le self-made man qui enrichit l’Etat et non à l’inverse un petit médiocre profiteur. Les citoyens ont tenu bon contre la manipulation, la ruse, la propagande d’un système complexe, mais le plus accepté au monde. Ils ont refusé le fait accompli. Ils ont imposé le changement malgré le contrôle de presque toutes les instances et la manipulation des citoyens.
Je fais faire le parallèle entre la démocratie de façade à l’algérienne et celle de l’Amérique. Si l’Amérique est un pays très développé et si le fonctionnement de son système est très sophistiqué, le fonctionnement du système algérien est très simple à comprendre, car il procède de la même logique que celle du gardien de parking : l’état de fait accompli. Si on stationne, un fantôme s’improvise gardien de parking et exige un payement, on paye et on s’en va.
N. B. : Les personnes qui en veulent à Donald Trump et à ceux qui ont voté pour lui oublient toujours d’en vouloir à la majorité de leurs concitoyens quand ils manifestent un racisme, un régionalisme et une religiosité primaires. Il suffit d’entendre la réaction de certains Algériens contre la présence des réfugiés africains, des travailleurs chinois et autres pour comprendre que nous sommes l’un des pays les plus fermés de la planète.
En conclusion. Quoi qu’il en soit, qu’ils soient bons ou mauvais, les Américains peuvent changer leur système. Les Algériens, pas encore.
Abdelouahab Zaatri
(Constantine)
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