Mustapha Yahi à Algeriepatriotique : «Il n’y a plus de vie politique au RND»
Mustapha Yahi, membre fondateur du RND devenu aujourd’hui frondeur, revient sur la situation du parti et sur les réelles motivations du mouvement de redressement dont il fait partie. Selon lui, Ahmed Ouyahia a fait le vide autour de lui en chassant toute la «sève» du RND. Il l’accuse de s’être totalement éloigné des principes pour lesquels le RND a été créé, en semant les graines de la division au sein de la société.
Algeriepatriotique : le Conseil d’Etat a rejeté ce jeudi 17 novembre le recours des opposants, dont vous faites partie, à la tenue du congrès extraordinaire du RND. Quelle est votre réaction ?
Mustapha Yahi : Après le rejet de notre action en référé sur la forme, nous n’attendions plus rien du Conseil d’Etat. Nous sommes passés à autre chose. Nous ne sommes, donc, pas choqués par cette décision. Notre combat n’est pas administratif mais politique. Il porte sur des idées, des positions, un programme, un cap, des orientations et une participation active dans la prise de décision. Notre combat n’est ni au Conseil d’Etat ni dans une quelconque administration. Il ne s’arrêtera pas, donc, naturellement avec le rejet d’une action en référé ou toute autre saisine d’une juridiction administrative. Nous œuvrons à redresser le RND, à en faire à nouveau un véritable parti, à changer son fonctionnement, en rétablissant ses valeurs, ses principes fondateurs et ses idéaux. Nous avons tendu l’oreille à la base militante et nous avons compris qu’on est assis sur un volcan. Nous travaillons donc pour remettre le parti sur les rails, en réhabilitant l’échelle des valeurs et en valorisant la compétence et l’expérience.
Comment comptez-vous atteindre vos objectifs alors que vous agissez en dehors du parti qui semble être totalement contrôlé par la direction actuelle ?
Notre force, c’est notre mobilisation sur le terrain et notre discours franc et réaliste qui est bien reçu par la base militante. Nous avons réussi en peu de temps à attirer beaucoup de cadres et de nombreux militants mécontents dans notre mouvement. Des cadres et militants qui ont été soit exclus, soit mis à l’écart. Aujourd’hui, nos structures locales bouillonnent. La colère latente ne va pas tarder à être exprimée publiquement. Nous nous échinons à la canaliser. Et c’est avec tous ces militants sincères que nous comptons poursuivre notre lutte.
Y a-t-il des personnalités, anciens ministres ou autres, qui ont rejoint votre mouvement ?
Il y en a. Leurs noms seront divulgués au moment voulu. Je peux vous assurer que nous sommes beaucoup plus nombreux pour que nous soyons traités de «groupuscule» ou de «minorité». Aujourd’hui, le vrai RND n’est plus au sein des instances du parti. Il est dehors. Et tout ce beau monde décide de récupérer le parti. Cela prendra le temps qu’il faudra. Mais sachez qu’il n’y a plus de retour en arrière. Trop, c’est trop.
Vous faites partie des dix signataires de la déclaration par laquelle vous avez relancé les hostilités avec la direction actuelle. Comment expliquez-vous que vous ne soyez pas traduit devant le conseil de discipline ?
L’annonce du bureau national de traduire quatre des dix signataires de cette déclaration renseigne sur l’état de panique qui a gagné la direction du RND. En choisissant quatre sur les dix signataires, ils voulaient peut-être affaiblir le groupe, provoquer des divisions ou tout simplement pousser les autres à se retirer. Mais rien de tout cela ne s’est produit. Nous ne reconnaissons pas les instances issues d’un congrès entaché d’irrégularités où la pratique démocratique n’a pas existé, où le mode de désignation a remplacé le mode électif et où les congressistes ont été désignés par les organisateurs de ce congrès. Nous avions dénoncé toutes ces irrégularités avant la tenue du congrès extraordinaire et nous avions appelé à son report afin de réunir les conditions nécessaires à sa réussite. Mais les organisateurs avaient préféré ignorer notre requête et le tenir sans congressistes issus de la base et sans de nombreux cadres compétents et expérimentés. Le pire est que nous avions assisté à la transformation de ce congrès extraordinaire en un congrès ordinaire. Du jamais vu dans les annales politiques.
Pour vous donc, le RND est un parti sans compétences…
Vous pouvez le constater tous les jours. Le RND a perdu sa sève. Il n’a plus de quoi gouverner. Ecoutez ce qu’il produit comme discours et ce qu’il véhicule comme messages. Prenons l’exemple des binationaux, descendus en flammes par le secrétaire général Ahmed Ouyahia. Ces binationaux sont aussi des Algériens. Ils sont 7 à 8 millions dans le monde et ils demeurent dans la majorité attachés à leur pays. Pourquoi donc les diaboliser ? Il s’agit d’une position qui n’honore pas ses auteurs et, surtout, d’une position qui ne reflète pas l’opinion majoritaire au sein du RND qui est un parti ouvert et qui œuvre plutôt pour rassembler et non pas pour diviser le peuple. Ahmed Ouyahia a donc exprimé sa propre opinion et celle de la minorité qui prend aujourd’hui en otage le RND. Il s’agit d’une décision prise dans un cercle restreint mais qui engage l’ensemble des militants du parti qui n’ont pas été consultés. C’est une décision qui n’est pas le résultat d’un débat au sein des instances du parti. D’ailleurs, il n’y a plus de débat, ni de vie politique au sein du RND, géré comme une simple administration. Voilà pourquoi nous agissons pour le changement de la direction actuelle.
Entretien réalisé par Hani Abdi
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