Sarkozy et la stratégie du derviche tourneur
Par R. Mahmoudi – En voulant se mettre dans la posture d’un Trump de la France, avec ses accents tranchés et allègrement xénophobes, Nicolas Sarkozy se trompe visiblement d’époque. Dans une ultime tentative désespérée pour remonter dans les sondages – il est largement devancé par Alain Juppé et François Fillon –, il recharge ses batteries pour tirer à boulets rouges sur ses victimes expiatoires, que sont les musulmans et les immigrés qui sont, pour lui, la source du mal. Il a promis dans son discours d’hier à Nîmes, fief traditionnel de l’extrême-droite, tour à tour, d’interdire le voile à l’université et de verrouiller les frontières pour stopper ce «fléau de l’immigration» venant du Sud et du Moyen-Orient, que sa politique atlantiste et aventuriste a dû provoquer, au moment où il était aux commandes.
Si cette stratégie de «derviche tourneur» qui s’adresse à des publics ou à des clientèles sans se soucier de la cohérence globale a pu, dans le passé, porter aux nues le chef de file des Républicains, la nouvelle conjoncture, en France et dans le monde, semble moins propice, heureusement, aux discours belliqueux et à l’extrémisme idéologique. La crise multidimensionnelle que traverse la France aujourd’hui – terrorisme, communautarisme, chômage, crise financière – est trop visible, en fait, pour être occultée ou compensée par une surenchère discursive comme celle que mène Nicolas Sarkozy.
La montée dans les sondages des voix modérées comme Alain Juppé ou François Fillon montre que les Français ont appris la leçon et qu’ils ne veulent plus revenir aux politiques bellicistes – l’invasion de la Libye, le soutien à l’insurrection en Syrie – qui avaient préparé le lit des violences ayant endeuillé la France depuis deux ans et dont les Français ne finiront pas de payer le prix.
Pour un ancien chef d’Etat qui n’a pas le consensus dans son propre parti – cas unique dans les annales de la présidentielle française – et n’a pas le soutien même des hommes qui ont travaillé avec lui, c’est plus qu’un échec ; c’est un suicide.
R. Mahmoudi
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