Algérie, Syrie, Russie, Daech : ce qui changera si Fillon est élu président
François Fillon, la personnalité politique que la droite française va choisir pour être son candidat à l’élection présidentielle qui se déroulera en mai 2017, ne bénéficie, a priori, certainement pas d’une grande sympathie chez les Algériens qui ont pris connaissance de ce qu’il a dit sur le «colonialisme» et n’apprécient pas qu’il en fasse pratiquement l’éloge en passant sous silence les crimes commis durant la nuit coloniale imposée notamment à l’Algérie durant 130 ans. Dans sa campagne électorale pour les primaires de la droite, dont il vient de remporter le premier tour, François Fillon a enfourché un thème cher à l’extrême-droite française, qui est celui de la «grandeur de la France», et il s’est promis de «réhabiliter» le passé de son pays en corrigeant les enseignements scolaires qui apprennent, selon lui, à en avoir honte. «Non, la France n’est pas coupable d’avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Nord. Non, la France n’a pas inventé l’esclavage», avait-il lancé dans un discours donné dimanche 28 août à Sablé-sur-Sarthe, son fief électoral. Il compte donc rouvrir la page du colonialisme français pour en réécrire l’histoire.
Cela signifie clairement qu’il ne faudra pas attendre de François Fillon, s’il devient président de la République et s’il maintient cette position favorable au colonialisme, le moindre mot ou geste de repentance ou de regret sur les crimes commis en Algérie durant l’occupation coloniale. Au contraire, il pourrait continuer à chasser sur le terrain du Front national à propos du passé colonial et aller jusqu’à le glorifier.
Sur une autre question très sensible, l’immigration et en particulier les musulmans en France, l’impression qui domine chez les Algériens est que la position de Fillon n’est pas tellement différente de celle de Nicolas Sarkozy, dont on ne peut pas dire qu’il est aimé chez nous. A ce propos, les médias français qui ont commenté la victoire de Fillon au premier tour des primaires de la droite ont retenu deux points de son programme sur cette question : réduire le nombre d’étrangers autorisés à venir en France, en créant notamment des quotas ; réserver les prestations sociales aux immigrés en situation régulière depuis au moins deux ans. Nul doute qu’un vent de panique a commencé à souffler sur la communauté maghrébine en France systématiquement visée en la matière.
Il est également à peu près sûr que Fillon voudra séduire et gagner l’électorat de la candidate du Front national, Mme Le Pen, dont les sondages prévoient la présence au second tour de la présidentielle. Il ne faut pas exclure enfin l’effet du président américain élu, Donald Trump, dans le champ électoral français avec une tendance au regain du nationalisme dont devra tenir compte Fillon et qui serait tourné en premier lieu contre les immigrés musulmans, en particulier maghrébins. Cette position trouve son prolongement dans la démarche envisagée par l’ex-Premier ministre de Sarkozy, qui consiste à interdire le retour sur le territoire national des mercenaires français partis combattre essentiellement en Syrie dans les rangs des groupes terroristes Daech et le Front Al-Nosra, contrairement, faut-il le rappeler, à l’avis de Laurent Fabius, quand il était ministre des Affaires étrangères, qui trouvait que ces djihadistes faisaient du «bon travail». On se souvient que François Fillon s’était déclaré favorable à l’expulsion des «individus dans la mouvance terroriste».
Sur le conflit syrien, Fillon veut rompre avec la politique de François Hollande. Il rejoint Sarkozy, en prônant un rapprochement stratégique avec la Russie et la Syrie. Il est opposé à l’embargo imposé à Moscou et veut coopérer avec le Kremlin sur la question syrienne. Autre aspect qui rappelle la politique étrangère de Donald Trump : Fillon souhaite une alliance avec Bachar Al-Assad et une coalition avec la Russie pour éradiquer Daech. C’est sur la Libye que François Fillon se démarque de Sarkozy. Il a reconnu que l’intervention militaire en Libye décidée par l’ancien Premier ministre britannique, David Cameron, et Nicolas Sarkozy, a été un désastre et a conduit au chaos dans ce pays. Fillon ne refera pas cette grossière erreur. Pour le reste, le fait que Sarkozy ait décidé de reporter les voix de son camp sur Fillon est significatif de la similitude de leurs programmes.
Houari Achouri
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