Mokri persiste dans la démagogie pour cacher sa position d’allié du pouvoir
Le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Abderrezak Mokri, est déçu de n’entendre personne applaudir la démarche démagogique qu’il a adoptée avec son parti dans l’enceinte de l’Assemblée populaire nationale (APN) à l’occasion du débat et du vote de la loi de finances pour 2017. La presse n’en a pas fait écho suffisamment, selon lui. La référence à la religion dans son message indique que sa plainte s’adresse spécialement aux autres partis islamistes qui lui reprocheraient de ne pas verser dans la contestation violente : frapper les ministres, lancer des pierres sur les députés de la majorité… Il joue le «désespéré» et en appelle à «la justice et l’équité» dans les jugements qui sont portés à son encontre dans son propre camp.
En fait, Mokri ne peut plus cacher son jeu, qui consiste à être dans le système à travers une présence en apparence active, mais en réalité complètement obsolète du MSP dans le Parlement, et contraint de faire dans la gesticulation inutile pour donner le change et faire croire qu’il fait de l’opposition. Mais sa pratique politique le dévoile : le MSP va participer aux prochaines élections législatives et locales, dont il dit qu’elles seront entachées de fraude, donc inutiles d’après son raisonnement. Alors, pourquoi Mokri et le MSP ne décident-ils pas de les boycotter, comme le voudrait la logique de leur discours ? La réponse est simple : ce discours ne sert qu’à couvrir une démarche hypocrite et démagogique qui a atteint son comble avec la proposition que son parti a présentée à l’APN sur l’introduction d’un nouvel article dans la loi de finances pour la réduction des salaires des députés, soi-disant «pour être solidaires du peuple et partager avec lui les retombées de la crise».
Le gouvernement semble jouer le jeu, lui aussi, en lui étant reconnaissant, puisque les médias officiels rendent compte des positions du MSP et ses représentants sont invités sur les plateaux de télévision pour des débats où ils s’expriment «librement». Le MSP sait être «responsable», il a ainsi insisté sur la nécessité de parvenir «à une trêve politique» entre tous les partis et forces politiques et sociales, en vue de permettre au gouvernement de faire face à la crise économique».
La vérité est que Mokri se trouve bien dans ce système qu’il croit convenir à des ambitions qu’il n’a pas cachées en s’appuyant sur les exemples de «réussite» des Frères musulmans qui ont emprunté la même voie en participant aux élections dans d’autres pays. Le modèle privilégié par Mokri est celui de l’AKP d’Erdogan en Turquie. Le président du MSP fait de fréquents voyages en Turquie sous divers prétextes, tantôt des conférences, tantôt des «séminaires», avec inévitablement des rencontres avec des dirigeants de l’AKP. Les militants du MSP sont également nombreux à faire le déplacement à Istanbul pour des échanges avec d’autres partis islamistes de la même confrérie des Frères musulmans, pour s’inspirer du système politique turc dans l’idée de pouvoir le transposer dans leurs pays respectifs, et pour le MSP, il s’agit évidemment de l’Algérie. Mokri proclame sa fierté d’avoir une «admiration pour l’expérience d’Erdogan, sans limites» et son «dévouement pour lui».
Cette admiration va aussi au Parti de la justice et du développement (PJD) du Premier ministre Abdelilah Benkirane, et il rêve sans doute de faire comme lui et remporter les élections législatives. Pour cela, Mokri compte sur les possibilités que lui offre sa participation au système. Car, en définitive, contrairement à ce qu’il veut faire croire, le MSP qu’il dirige est resté dans la position d’allié du pouvoir dans laquelle l’a placé Mahfoud Nahnah de longue date. Le changement par rapport au chef historique des Frères musulmans est dans la prosternation de Mokri devant Erdogan et son suivisme à l’égard de l’AKP turc.
Houari Achouri
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