Othmani : «Deux courants s’entrechoquent au sein de l’Exécutif»
L’homme d’affaires Slim Othmani, président du Club d’action et de réflexion autour de l’entreprise (Care), considère que les réformes économiques nécessaires pour sortir de la dépendance pétrolière sont victimes de «deux courants de pensée qui s’entrechoquent au niveau de l’Exécutif». Dans une interview accordée au magazine Le Point, cet homme d’affaires, connu pour son franc-parler et ses coups de gueule, a précisé que «le premier courant est très ouvert, partisan d’une Algérie moderne, tandis que le second est incarné par ceux appartenant à une ligne plus dure, qui prônent quasiment un retour aux années 1970, dans une logique de patriotisme économique aveugle et une tentation populiste très forte». Slim Othmani ne cite pas de noms ni stigmatise telle ou telle partie. Cet homme d’affaires estime cependant que «probablement, la fin d’une époque perçue par beaucoup d’entre nous pousse certains à se positionner de façon opportuniste, au détriment de l’économie algérienne et de l’avenir de toute une nation».
Ségrégation «public-privé»
Le patron de la célèbre marque de jus Rouiba affirme avoir constaté, non sans tristesse, que «le gouvernement a beaucoup de difficultés à se départir de l’emprise qu’il a sur le monde de l’entreprise». «Comme il peine à en finir avec la ségrégation ‘‘entreprise publique’’ versus ‘‘entreprise privée’’. De façon paradoxale, le gouvernement multiplie les signes d’ouverture tout en augmentant le nombre d’entraves à la liberté d’entreprendre», a-t-il relevé. Pour Slim Othmani, le problème majeur étant que «nous ne sommes toujours pas dans un mode participatif». «On ne consulte pas les acteurs», a-t-il regretté. Le président du Care fait preuve d’optimisme, estimant qu’il y a des signes encourageants. Parmi eux, les banques publiques qui commencent à aller vers les investisseurs et leur proposer leur accompagnement. «Jusqu’à présent, elles se limitaient à des activités de dépôt ; aujourd’hui, elles se transforment. Signe qu’un changement de mentalité est en train de s’opérer. Il est aussi palpable au niveau de divers services publics. L’Algérien accepte finalement de servir l’Algérien. Un continent a besoin de pays locomotives et un pays a besoin de sociétés locomotives. Aujourd’hui, l’Algérie est une locomotive dont on commence à apercevoir la fumée, ça va démarrer», a-t-il assuré, en précisant qu’il le pensait sincèrement.
Trop de temps perdu
Mais Slim Othmani considère que «cela prend trop de temps et le risque ‘‘social’’ n’est pas à exclure». «Je le répète, on perçoit les signes d’un changement d’époque sous l’influence de nombreux acteurs. D’excellentes idées pour l’Algérie sont proposées et on commence à entendre ces nouvelles voix. Il s’agit désormais d’inscrire les opportunités et les espoirs dans cette image positive d’une Algérie rêvée. Oui, l’Algérie n’est peut-être pas le paradis sur terre, il y a encore des obstacles à l’entrepreneuriat, mais c’est un pays qui regorge d’opportunités, où l’on peut réussir de très beaux projets, avec une rentabilité intéressante», a-t-il soutenu. Le patron de NCA Rouiba a relevé que le secteur des services a toujours été ignoré par les gouvernements qui se sont succédé, qui n’ont d’yeux que pour l’industrie. «En améliorant la qualité de vie via le développement des services, on va pourtant créer une multitude d’emplois, bien plus que n’en créerait l’industrie. En attendant, on vit tous dans une immense Sonatrach», a-t-il souligné, en appelant à un véritable changement de cap.
Sonia Baker
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