Les ministres provoquent les députés
Kamel Moulfi – Il y a dans la décision des ministres de baisser leurs salaires de 10% une part de démagogie qui apparaît inévitablement quand on la met en rapport avec la démarche prétendument anticrise affichée par le gouvernement, et qui consiste pour le moment, et pour l’essentiel, à alimenter le feu nourri dirigé par certains experts contre la politique de subventions dont bénéficient les couches défavorisées de la population, c’est-à-dire les catégories à moyens et faibles salaires, de montants inférieurs ou tout juste gravitant autour de l’équivalent des 10% que vont lâcher les ministres. On apprend que la décision prendra effet en janvier 2017, et non pas immédiatement dans la prochaine fiche de paie de décembre. Allez savoir pourquoi, sans doute une question de procédures administratives.
Il y a en plus un côté complètement ridicule dans cette mesure, parce qu’elle intervient dans le contexte d’une vive polémique sur la prime de fin de mandat octroyée aux députés et sur fond d’allusions aux salaires faramineux et autres avantages que ces «élus du peuple» perçoivent en contrepartie de l’acquiescement à tout ce qui est déposé comme projet de loi sur le bureau de l’APN. Les ministres ont-ils voulu mettre mal à l’aise les députés (et les sénateurs aussi, ne l’oublions pas, même situation privilégiée) et même les provoquer ? Ces derniers oseront-ils se lancer dans la surenchère et rivaliser en démagogie avec leurs «collègues» du gouvernement en mettant le curseur plus haut que 10% ? Y aura-t-il un effet salutaire d’entraînement qui jettera dans ce mouvement de rectification volontaire d’autres hauts fonctionnaires, particulièrement ceux qui sont placés dans des postes de sinécure et dont les salaires, artificiellement élevés sans «justification économique» sont une insulte aux smicards qui touchent presque vingt fois moins, alors qu’eux très souvent font un travail utile à la société.
Est-il possible, avec la chute drastique des revenus du pays, de continuer à offrir de tels cadeaux aux amis du système ? Et surtout, la question que l’on ne pose jamais, c’est de savoir où le pouvoir va trouver l’argent pour le faire.
K. M.
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