Il quitte l’Elysée en mai 2017 : les Algériens regretteront-ils François Hollande ?
Dans son message télévisé de jeudi soir, dans lequel il a annoncé avoir renoncé à se porter candidat à la prochaine élection présidentielle de 2017, le président français François Hollande a évoqué, à grands traits, le bilan de son quinquennat au plan interne et européen et dans les relations internationales de la France. L’Algérie n’est pas mentionnée dans ce message. Hollande aurait pu faire remarquer qu’il laisse avec l’Algérie une «coopération en plein essor» impulsée par sa visite d’Etat dans notre pays en décembre 2012, comme l’a déclaré, il y a un peu plus d’une semaine, à l’issue de la 3e session du comité de suivi du Comité intergouvernemental de haut niveau et du dialogue stratégique entre l’Algérie et la France, le secrétaire général du ministère français des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, qui a constaté qu’avec l’Algérie, il y a «une relation unique et extrêmement productive».
On dit, dans les médias français, que François Hollande a une relation forte avec l’Algérie, où il a effectué son premier voyage d’Etat après son élection. A cette occasion, dans un discours devant le Parlement algérien, il avait publiquement reconnu «les souffrances infligées au peuple algérien». Il a été le premier président à avoir parlé de «colonisation injuste». Il est allé sur la place Audin, au centre d’Alger, en hommage au chahid algérien Maurice Audin. Autant de paroles et de gestes appréciés par les Algériens.
Mais un an après, en décembre 2013, le président français commettait un trait d’humour déplacé sur la sécurité en Algérie en lançant, dans une réunion du Crif, sous forme de boutade à propos de Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, qui revenait d’une visite dans notre pays, qu’il est rentré «sain et sauf» en France, et «c’est déjà beaucoup», avait-il ajouté. Notre ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, avait qualifié cette boutade d’«incident regrettable» et de «moins-value» pour les liens entre les deux pays. Le président Hollande a vite fait d’exprimer ses «sincères regrets» et notre ministre des Affaires étrangères en a pris connaissance «avec satisfaction», et tout est rentré dans l’ordre, l’incident diplomatique entre nos deux pays était étouffé dans l’œuf.
Il y a eu ensuite d’autres «incidents regrettables» dans les relations algéro-françaises, mais ils ont été créés et enflés par les médias français, comme la photo diffusée par le Premier ministre français Manuel Valls, lors de sa visite en avril dernier à Alger, montrant le président Bouteflika affaibli. Cet incident avait été précédé d’un autre similaire avec la publication par le quotidien français Le Monde d’un article intitulé «L’argent caché des chefs d’Etat» dans l’affaire «Panama Papers», avec la photo du président Bouteflika en une, alors que dans l’article principal, le nom du chef de l’Etat n’est aucunement évoqué. Le lendemain, le journal avait publié en page 8 un entrefilet de quelques lignes en précisant qu’il s’agissait d’une «erreur». Le procès pour diffamation intenté par les autorités algériennes au quotidien français Le Monde a été fixé au 20 juin 2017 par le tribunal correctionnel de Paris.
Après sa visite d’Etat, François Hollande a effectué une deuxième visite, «éclair» celle-là, en Algérie à la mi-juin 2015. Les Algériens retiennent du président Hollande surtout ce qu’il a fait pour panser les plaies nées de la colonisation et de la guerre imposée par la France à l’Algérie pour arracher son indépendance. Rappelons qu’à propos des massacres de Sétif du 8 mai 1945, le président français a estimé que la France avait manqué à ses valeurs universelles. Il a également reconnu la répression sanglante de la manifestation des Algériens à Paris le 17 octobre 1961.
Dans ses messages à Bouteflika, Hollande qualifie l’Algérie de «pays ami». En janvier 2016, il a réitéré sa détermination à coopérer avec l’Algérie pour «assurer un développement durable et économique». Il a même eu à se féliciter de «la remarquable convergence de vues entre nos deux pays sur les dossiers malien et libyen». Sur le dossier syrien, on le devine, le désaccord est complet entre l’Algérie qui milite pour la paix dans ce pays et contre l’ingérence dans ses affaires intérieures et la France qui soutient, à travers la fiction de l’«opposition modérée», les groupes terroristes dont Fabius, en tant que ministre des Affaires étrangères, avait osé dire qu’ils faisaient du «bon boulot». C’est sans doute, en plus du désaccord, trés ancien, sur la question sahraouie, la seule divergence connue entre l’Algérie et la France. Pour le reste, «tout baigne», semble-t-il.
Les deux pays ont la volonté de faire évoluer leurs relations bilatérales vers une «nouvelle phase qualitative» en «adéquation» avec les orientations des chefs d’Etat des deux pays, avait souligné le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, Hassen Rabehi, lors de la 3e session du comité de suivi du Comité intergouvernemental de haut niveau et du dialogue stratégique entre l’Algérie et la France. En septembre dernier, à l’ouverture du 1er Forum algéro-français de haut niveau entre le Conseil de la nation et le Sénat français, le président du Conseil de la nation, Abdelkader Bensalah, a estimé que la situation est propice pour donner un nouvel élan à la coopération économique bilatérale et dépasser l’aspect commercial pour favoriser davantage l’investissement productif, le transfert technologique et la réalisation de pôles de compétitivité et de centres d’excellence.
Dans la sphère économique, la France est présente à travers des entreprises phares comme le constructeur automobile Renault ou le cimentier Lafarge. Par ailleurs, une coopération décentralisée entre les deux pays s’est «progressivement intensifiée», donnant lieu à des «projets catalyseurs» caractérisés par une approche de partenariat et d’intérêt partagé, a eu à noter de son côté notre ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Nouredine Bedoui. Des quantités d’exemples dans de très nombreux domaines attestent de la densification des relations entre l’Algérie et la France.
François Hollande a eu incontestablement un rôle déterminant dans la qualité de ces relations, mais comme l’a noté, en septembre dernier, le président du Sénat français, Gérard Larcher, à l’occasion de la tenue à Paris du 1er Forum algéro-français de haut niveau entre le Conseil de la nation et le Sénat français, la relation entre l’Algérie et la France «n’est pas tributaire des orientations partisanes ou des majorités en place». «Il ne saurait y avoir de pouvoir en France, quels que soient les résultats électoraux à venir, qui n’ait à cœur de nouer les liens les plus étroits de coopération avec l’Algérie, dans le cadre d’un dialogue à la fois exigeant et dense», avait-il ajouté.
Houari Achouri
Comment (39)