La mère d’un «djihadiste» algéro-britannique tué en Syrie se bat contre la radicalisation
Le jeune Rachid Benyahia a rejoint Daech en Syrie à l’âge de 19 ans, le 29 mai 2015, et a été abattu quelque temps après son départ du Royaume-Uni, comme les quelque 850 autres «djihadistes» britanniques. Sa mère, Nicole Benyahia, une Britannique convertie à l’islam, mariée à un Algérien, avait perdu tout contact avec son fils pendant plus de deux mois, jusqu’au jour où ce dernier appela son père pour lui annoncer qu’il se trouvait «sur le front syrien». «Dès que j’ai appris la nouvelle, j’ai compris que je ne le reverrai plus», dira sa mère lors d’une intervention, cette semaine, devant un collectif britannique chargé de lutter contre la radicalisation parmi les jeunes. «Je savais que même s’il voulait revenir, il ne le pourrait pas. Chaque jour qui passait compromettait davantage les chances de son retour», a-t-elle ajouté. «J’attendais qu’il soit tué. Ma douleur a commencé dès que j’ai su où il était ; je l’avais déjà perdu», a-t-elle affirmé..
Nicole Benyahia évoque avec lucidité le fil des évènements qui ont précédé l’annonce de la mort de son fils, étudiant en ingénieurie à l’université de Birmingham, au centre de l’Angleterre, précisant que Rachid, qui s’était éclipsé pendant presqu’un mois, avait appelé son père pour l’informer qu’il «rendait visite à Bachar Al-Assad» – façon de dire qu’il prenait part aux combats contre les forces syriennes. La dernière fois qu’il a rétabli le contact avec sa famille, c’était pour l’informer qu’il avait été convoqué à la mosquée centrale de Raqqa pour assister à un briefing sur les opérations à venir. Une semaine plus tard, sa famille reçut un autre coup de téléphone d’un autre membre de Daech leur annonçant la mort d’«Abu Huraira Al-Britani», son pseudonyme. Selon la mère de Rachid Benyahia, son père avait répondu à son interlocuteur en ces termes : «Mon fils paye les conséquences de son choix !»
La famille du jeune Algéro-Britannique est aujourd’hui déchirée entre le chagrin et une honte profonde. Nicole Benyahia admet qu’elle n’a pas su détecter les signes de radicalisation de son fils. Elle reconnaît aussi avoir été dupe en n’ayant pas pris conscience que son fils, qui s’isolait de longues heures dans sa chambre, était en contact avec les recruteurs du réseau terroriste en ligne. La mère de ce jeune radicalisé par Daech a décidé, après la mort de son fils, d’organiser la riposte contre les réseaux djihadistes en s’impliquant dans un grand projet de déradicalisation de la jeunesse. Son premier réflexe après la mort de son fils fut de réfléchir à une approche pour le lancement de son action. Elle a alors pris contact avec Daniel Koehler, le directeur de l’institut allemand des études sur la radicalisation et la déradicalisation, qui a mis sur pied un groupe européen pour aider les familles des «djihadistes» à faire face à ce fléau dévastateur.
Nicole Benyahia dirige aujourd’hui un espace dédié aux familles de jeunes exposés à la radicalistion. L’espace est baptisé «Families For Life». Il a pour objectif d’aider les familles à gérer ce problème. Mais il vise surtout à permettre d’identifier très tôt les signes de radicalisation chez les adolescents.
De Londres, Boudjemaa Selimia
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