Ce que les Algériens pensent du candidat socialiste à l’Elysée Manuel Valls
Manuel Valls a fait durer le faux suspense durant seulement quatre jours après le renoncement de François Hollande à briguer un second mandat. Il a donc annoncé sa candidature à la présidentielle française qui aura lieu le 23 avril (premier tour) et le 7 mai (second tour) 2017. Il quitte son poste de Premier ministre aujourd’hui.
Valls, 54 ans, devra d’abord passer par l’épreuve de la primaire de la gauche qui est programmée pour les 22 et 29 janvier 2017. La dernière impression que Manuel Valls a laissée aux Algériens n’est pas en sa faveur. C’était en avril de cette année ; en visite officielle à Alger, il a posté sur son compte Twitter, au soir de l’audience que lui a accordé Bouteflika, une photo de cette rencontre qui montre notre président fatigué. Son commentaire accompagnant la photo est passé inaperçu, il contribuait pourtant à atténuer le choc de la photo : «Echanges économiques, humains et sécurité : la relation franco-algérienne est forte, historique et stratégique.» Les Algériens ont mal pris la diffusion de cette photo, et ils l’ont fait savoir à travers les médias et dans des déclarations de personnalités politiques qui ont considéré cette initiative comme un manque de respect pour l’Algérie, si ce n’est un complot.
La manipulation des faits a contribué à enfler l’incident dans le but évident de nuire aux relations entre les deux pays et de salir la réputation de Valls auprès des Algériens, en particulier ceux qui résident en France et dont les voix comptent et qui, pour cette raison, sont courtisés. En réaction à l’indignation, sincère, des Algériens et aux autres commentaires plutôt hostiles à notre pays, Manuel Valls avait préféré minimiser la portée de son geste en déclarant qu’«il n’y avait aucune raison de s’emballer», ajoutant qu’«il faut avoir du sang-froid dans ce genre de situation». Il ne voulait visiblement pas gâcher sa visite qui entrait dans le cadre de la troisième session du Comité interministériel algéro-français de haut niveau – une instance mise en place lors de la visite sur place du président François Hollande, en décembre 2012 – et qui s’était, par ailleurs, bien déroulée. Il avait adopté un profil bas sur la question soulevée, sur un ton provocateur, par des journalistes français à propos de leurs confrères – du quotidien Le Monde et deux du Petit Journal de Canal+ – auxquels les autorités algériennes avaient refusé de délivrer le visa.
Par solidarité, plusieurs médias français avaient décidé, on s’en souvient, de ne pas faire le déplacement pour couvrir l’événement. A la veille de sa visite, le Premier ministre français n’avait pas protesté contre la décision d’Alger, comme le sommait pratiquement de le faire une partie des médias de son pays. Tout juste avait-il exprimé ses «profonds regrets». «Je serai à Alger pour notre coopération mais je reviendrai sur ce point dans l’amitié et la franchise», avait-il promis sur Twitter. Sans suite, on le sait.
Valls n’a pas voulu cautionner la dérive déontologique du quotidien Le Monde dans son traitement anti-algérien du scandale des «Panama Papers», sur la finance offshore et les paradis fiscaux. Le Premier ministre français a été, à son corps défendant, impliqué dans un autre dérapage qui a fâché les Algériens. En décembre 2013, la plaisanterie, douteuse, du président Hollande à propos de la situation sécuritaire en Algérie dont on ne reviendrait pas «sain et sauf». Il saluait son ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, qui en était revenu. «C’est déjà beaucoup», avait ajouté Hollande pour alimenter l’hilarité de son auditoire du Crif.
En octobre 2012, alors ministre français de l’Intérieur, il était venu, pour 24 heures, à Alger, en prévision de la visite d’Etat début décembre du président François Hollande. Il avait annoncé pour les relations entre les deux pays une «nouvelle étape (…) sans tabous et sans langue de bois, pour pouvoir poursuivre cette relation et lui donner un peu plus de force et d’élan».
Les Algériens attendent de savoir ce qu’il pense et compte faire, s’il est élu, sur les questions sensibles dans les relations entre les deux pays et la première d’entre elles concerne évidemment le passé colonial. Sa position sur l’identité française est connue et sur la place des Français originaires du Maghreb aussi, plutôt proches de celles de Sarkozy et concurrentes de celles du Front national. Les prochaines interventions de Valls, en tant que candidat à la présidentielle, renseigneront mieux sur son programme et sur ce que les Algériens penseront de lui.
Pour le moment, la préférence va naturellement à Arnaud Montebourg pour son origine algérienne. Cela se confirmera lorsqu’il effectuera sa visite (ce ne sera pas la première) prévue en Algérie les 10 et 11 décembre prochains.
Houari Achouri
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