Il était une fois un forum…
Par Ahcène Moussi(*) – Trois jours de travaux dites-vous ? De mon point de vue, c’est plutôt trois jours d’embrassades, trois jours de suspense, une facture de 600 millions de dinars et surtout trois erreurs graves, lors du Forum d’investissements et d’affaires d’Alger.
Il est vrai, j’en conviens, que nos décideurs s’inquiètent et paniquent en même temps. Le pétrole, qui nous nourrissait jadis, n’est plus vendable actuellement, et quand il se vend, c’est pour des miettes. Notre pays s’est vu privé au total de près de 55% de ses ressources. Nous ne produisons absolument rien, nous importons tout ce dont nous avons besoin et nous manquons de devises.
Notre gouvernement cherche de l’argent frais par tous les moyens. Il a tout essayé pour renflouer les caisses de l’Etat : l’argent informel, l’emprunt obligataire…, et c’est au tour de l’augmentation des taxes et des impôts, en plus de réduire les subventions, les importations et d’augmenter les prix de la quasi-totalité des produits de consommation. Le pauvre citoyen sera saigné à blanc.
Nos économistes spéculent et nous n’avions droit qu’à des mots qui font mal, tels que dévaluation, récession, inflation, faillite…
Les temps du baril à 130 dollars sont bel et bien terminés. Nous ne verrons plus jamais ces bons vieux temps. Force est de reconnaître que, pour des raisons diverses, nos décideurs sont responsables de la crise d’aujourd’hui. Ils n’ont pas su ou voulu l’éviter. Ils n’ont pas su ou voulu surtout regarder plus haut et plus loin. Ils n’ont même pas eu l’idée d’engager une réflexion à même d’inciter les entreprises à s’orienter vers l’exportation pour affronter la concurrence, au moment où nous étions dans l’aisance financière; ni encore de copier simplement, il y a une dizaine d’années, les modèles des pays asiatiques (Corée du Sud, Taïwan, Singapour…), qui sont basés sur la stratégie d’exportation des produits manufacturés, une stratégie connue pour avoir montré ses preuves sur le plan de la croissance économique.
L’Etat se devait pourtant de promouvoir la stabilité économique et de garantir les services sociaux de base à tous les citoyens, comme il se devait de fixer les règles concernant l’activité des entreprises et de les accompagner, au lieu de les gérer et de les supplanter.
Hélas, nos décideurs consacrent le gros de leur temps à polluer les médias par des discours préélectoraux et à offrir des déclarations contradictoires et mensongères, profitant de l’ignorance sociale-politique et de la peur des gens.
Et voilà que, comme Trump est à la tête de la première puissance mondiale depuis déjà deux mois et Valls sera très prochainement comme guide spirituel des petits-fils gaulois, c’est au tour de «M. Takachouf» (austérité, ndlr) d’atterrir en Algérie, en janvier prochain, pour nous accompagner au cours des prochaines années et probablement pour le reste de notre vie. Selon nos amis africains, qui le connaissent assez, «Takachouf» est adorable et généreux. Il est surtout très actif et sévère. Sa première mission sera de faire un don d’une ceinture à chaque pauvre ou chômeur algérien. C’est semble-t-il cette catégorie névralgique qu’il préfère approcher le plus, pour mieux la malmener. Il sait d’avance qu’il ne reste plus rien à partager ni à se mettre sous la dent. De plus, avec un nombre excessivement important de mendiants et de jeunes misérables et sans travail, «Takachouf» retrouvera son milieu et donc ne chômera pas du tout. Ça reste un avantage tout de même, puisqu’il nous servira de modèle, étant lui un grand bosseur. Comme dit l’adage, à quelque chose malheur est bon. Il est vrai aussi que c’est un peu de notre faute si ce personnage mystérieux a choisi d’immigrer dans notre pays.
Nous avions de tout temps triché. Nous faisions semblant de travailler et nos responsables faisaient semblant de nous payer. Nous avions acquis plusieurs années d’ancienneté, mais pas d’expérience du tout. Nous avions longtemps croisé les bras et tourné le dos à l’essentiel. Nous nous sommes exclus de la décision et de l’action, pour laisser faire les autres à notre place. Et peut-être aussi, nous avions trop fait confiance, au point de bien nous endormir sur nos lauriers. Le moment est donc venu de passer à la caisse. La note est malheureusement bien salée.
Il faudra donc que chacun de nous se creuse le ciboulot, compte bien ses dinars, pense à rentabiliser ses derniers et modestes outils, bêche son petit jardin pour faire pousser des salades, utilise son balcon en guise de potager, arrête de fumer et de chiquer, diminue sa ration alimentaire, retarde son mariage, rétrécit l’étendue de sa construction, renonce même à procréer, etc.
Revenons à notre forum pour rappeler qu’il a réuni 3 500 personnes dont plusieurs délégations étrangères. Il est donc important aux yeux de nos gouvernants. L’objectif étant de booster quelque peu l’économie africaine par les moyens propres de l’Afrique et permettre à nos décideurs de dénicher un pourvoyeur de fonds au milieu de cette meute.
La première grave erreur dont nous voulons parler est située justement à ce niveau là. Qui va douter de la grave crise politique et économique qui secoue tout le continent africain depuis toujours. Tous sont endettés, depuis l’Afrique du Sud avec une dette de plus de 155 milliards d’euros, au Nigeria 25 milliards d’euros, au Mozambique 11 milliards d’euros, au Cameroun 9 milliards d’euros… jusqu’au petit Cap-Vert dont la dette se chiffre à 3 milliards d’euros. Il n’y a donc rien à gratter de ce côté-là.
La seconde grave erreur que nous tenons à relever porte sur les règles de base du protocole utilisées lors de cet événement chapeauté par les officiels du pays. Il importe alors de bien les connaître, de les appliquer et de respecter la hiérarchie, afin d’offrir un service exemplaire et de qualité à l’ensemble des participants, d’autant plus qu’il y va de la crédibilité de toute la nation et de l’honorabilité de ses citoyens. Il est inconcevable et c’est de l’impolitesse qu’une personnalité d’envergure refuse de respecter l’ordre dans la prise de parole.
Dans ce contexte, la troisième grave erreur est que le gouvernement doit résister à la tentation de tourner le dos à son partenaire du jour. Je pense que la décision de se retirer de la salle n’est pas du goût de la population. Quand on est commandant, on quitte le navire le dernier.
Ahcène Moussi
(*)Economiste, président de la Mouvance migratoire ô Canada (MMC)
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