Que fait le Niger de sa souveraineté ?
Par Akli Tira – L’information en dents de scie affirmant qu’il existe une base de drones américains en Tunisie, démentie mais toujours sujette à controverse, pourrait finalement servir de véritable diversion occultant un grave piétinement de la souveraineté d’un autre pays voisin de l’Algérie. Personne pour s’en inquiéter, personne pour le dénoncer mais le Niger est malheureusement sous tutelle militaire internationale. Fatalité ou connivence locale ?
On connaît mal le Niger en Algérie. Ses migrants confondus avec les autres Subsahariens, ses famines évitées grâce à l’aide, dont celle d’Alger, et puis son uranium pillé par Areva. De temps à autre, un attentat terroriste vient rappeler que le pays d’Issoufou Mahamadou fait partie du Champ, cet ensemble des cinq Etats du Sahel qui luttent contre le fléau des groupes «djihadistes», en réalité une nébuleuse de mercenaires, narcotrafiquants chargés d’acheminer la drogue de la façade occidentale de l’Afrique, via le Maroc, vers l’est ou le nord du continent, selon les clients visés. Vaste territoire au peuple très pauvre, le Niger a été longtemps un espace de non-droit pour le crime organisé.
Traversé par de multiples crises alternant périodes d’ouverture démocratique avec coups de force politiques, ce pays voisin serait, du point de vue de nombreux observateurs avertis, perturbé par l’incessante ingérence de l’ancienne métropole coloniale. L’exemple le plus flagrant fut le coup d’Etat contre Mahamadou Tandja mené par le commandant Salou Djibo, qui a suivi sa formation militaire en Côte d’Ivoire et au Maroc, alliés dociles de la France. Des spécialistes soutiennent que Tandja avait eu la prétention de renégocier avec trop de fermeté les gisements d’uranium et d’or du territoire nigérien…
Sécheresse, coups d’Etat, rébellion touarègue, extrême pauvreté des Nigériens et énormes richesses naturelles, voilà assez d’ingrédients pour justifier la présence de forces étrangères, de «coopérants bienfaiteurs» capables d’assurer la logistique de l’aide alimentaire mais, surtout, de sécuriser les sites d’extraction des ressources naturelles. Arlit, région martyre pour son sous-sol au précieux isotope… Madama, ancienne forteresse française reconquise sous prétexte de l’opération Barkhane qui n’a pas fini de quadriller le Niger, appuyée par d’autres armées dont les drones américains postés à Agadez.
Ainsi, sous couvert de la Minusma – Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali –, des bases militaires étrangères fleurissent un peu partout sur le territoire souverain du Niger. En octobre dernier, on apprenait que la pacifique Bundeswehr, l’armée allemande, devait installer une base en appui de la Mission onusienne. C’eut été une louable œuvre de maintien de la paix si l’on ne savait pas que cette coalition internationale a perdu toute crédibilité à cause de ses manigances politiques dans le nord du Mali. Ce qui a conduit le président malien, Ibrahim Boubakar Keita, à la dénoncer en présence du Français Hervé Ladsous, le secrétaire général-adjoint des Nations unies aux opérations de maintien de la paix lors d’une cérémonie officielle en mai 2015 à Bamako. Audacieuse révolte d’IBK qui n’accepte pas que l’épisode Serval qui a permis de stopper l’envahisseur terroriste en 2013 dans son pays ne devienne, dans ses prolongements, le prétexte à un retour des colons en terre africaine libérée grâce aux sacrifices des peuples…
Chez son voisin nigérien, les Américains, les Français, les Allemands se sont installés. Issoufou n’est pas IBK. On se souvient que son pays avait été curieusement absent à une réunion du CEMOC, le commandement opérationnel unifié à Tamanrasset. Ancien directeur des exploitations, puis directeur technique de la Société des mines de l’Aïr (Somair, filiale d’Areva), comme on peut l’apprendre sur le Net, le président d’un des pays les plus pauvres au monde n’ignore pas quelle férocité anime les puissances occidentales quand il s’agit de leurs intérêts.
Il faudra donc que ce soit l’UA qui prête main-forte à Niamey pour qu’elle puisse remettre de l’ordre dans sa maison infestée autant par les mercenaires narcoterroristes que par les militaires étrangers. L’argument fallacieux de lutte contre le terrorisme et contre les mouvements migratoires des Subsahariens vers les pays d’Europe ne peut justifier l’invasion du Niger. On signale justement que la société nigérienne gronde contre la passivité du président Issoufou Mahamadou, réélu cette année lors d’un suffrage boycotté par l’opposition.
A. T.
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