Vague d’attentats dans le monde : une même méthode pour des objectifs différents
La simultanéité des attaques terroristes meurtrières ayant ciblé, samedi et dimanche, le centre touristique d’Istanbul, une cathédrale copte orthodoxe du Caire et le port commerçant de Mogadiscio peut laisser penser qu’il existe un lien entre tous ces événements. Pourtant, lorsque l’on s’appesantit sur chacune des trois situations, il est possible de se rendre compte assez rapidement que les trois attentats n’ont rien à voir entre eux.
En Turquie, les premiers éléments de l’enquête privilégient déjà la piste du PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, dont les éléments n’entretiennent aucune sorte de rapport avec des organisations criminelles comme Al-Qaïda ou Daech. Il est sans doute utile de rappeler que le PKK est d’inspiration marxiste-léniniste. Il ne se bat donc pas pour les mêmes raisons que celles que mettent en avant les Shebab Somaliens soupçonnés d’avoir pensé et exécuté l’attentat de ce matin à Mogadiscio.
Il y a de faibles chances également de trouver un lien entre les Shebab et le groupe terroriste autoproclamé Etat islamique (Daech) que beaucoup désignent comme le possible commanditaire de l’attaque contre les Coptes égyptiens. L’une des marques de fabrique de Daech est d’ailleurs de faire la chasse aux chrétiens. Dans l’absolu, il est vrai que les deux groupes partagent globalement le même socle idéologique. Cela peut d’ailleurs expliquer pourquoi ils ont tous les deux retenu le jour de la célébration du Mawalid ennabawi echarif pour passer à l’action. Il ne faut cependant pas perdre de vue que chacun d’eux obéit à des dynamiques internes différentes.
Un tel constat ne veut pas dire aussi que les Shebab et Daech ne coopèrent pas. Mais de l’avis de tous les spécialistes du terrorisme, les Shebab ne sont pas encore tombés complètement dans l’escarcelle de l’Etat islamique. De nombreux analystes et chefs de clans en Somalie soutiennent, à ce propos, que les Shebab sont actuellement divisés sur la stratégie à adopter. Certains voient même dans ces hésitations un signe de faiblesse. Grâce à l’immense travail accompli par l’Amisom, il est vrai qu’ils ont perdu beaucoup de terrain. Aussi beaucoup d’entre eux pensent-ils qu’en rejoignant l’EI ils peuvent récupérer des fonds et avoir un soutien moral. Mais eu égard aux défaites en série qu’enregistre Daech en Irak, en Syrie et en Libye, il est peu probable que les Shebab décident en définitive de s’allier à un partenaire à l’agonie.
La stratégie actuellement suivie par les chefs des Shebab est davantage à rapprocher de celle des Talibans en Afghanistan. Leurs actions tendent à montrer à la communauté internationale que la Somalie ne peut se construire sans eux. Seulement, et à l’inverse de l’Afghanistan où les Etats-Unis font pression sur Hamid Karzai pour qu’il intègre les Talibans dans le jeu politique, en Somalie personne ne veut voir les Shebab prendre place dans un gouvernement somalien. C’est pourquoi les chefs de ce groupe terroriste sont actuellement désemparés et exigent de leurs éléments qu’ils commettent des actions d’éclat. Cela quitte à massacrer tous les civils qu’ils rencontrent sur leur chemin, comme cela s’est produit ce matin.
Khider Cherif
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