Le sultan Erdogan sur le fil du rasoir
Par Akli Tira – Longtemps considéré comme le leader exemplaire chez les islamistes de pays arabes tel le député algérien Hassan Aribi, Recep Tayyip Erdogan, propulsé aux commandes de la Turquie malgré la vigilance de l’armée longtemps gardienne de la laïcité, commence à récolter les fruits amers de son incompétence.
Attentats de plus en plus fréquents et meurtriers, crise politique interne, relations internationales catastrophiques, économie de bazar en dépit du potentiel industriel, affairisme chronique au sommet de l’Etat… le bilan du leader islamiste n’est guère reluisant.
Certes, il y a eu une période de manœuvres aux accents démocratiques et progressistes, écran de fumée d’un islamisme soft qui enracine ses méthodes obscurantistes sur le plan social et favorise le libéralisme économique, en appauvrissant de larges couches de la société. Erdogan, tribun hors pair en son genre, cultive alors l’image de président qui a réussi à se rapprocher de l’Union européenne, en imposant un deal sur la régulation de l’immigration transitant par son territoire contre la libre circulation des Turcs, sans visas, dans l’espace Schengen. Succès très populaire mais provisoire.
D’un autre côté, ses partisans font valoir que les négociations de l’entrée de la Turquie dans l’UE vont bon train tout en se vantant d’avoir pu neutraliser le rôle de l’armée méfiante envers les islamistes. Cerise sur le gâteau, une relative accalmie sur le front de la guérilla menée par les Kurdes a terminé de consacrer le leader charismatique de l’AKP comme le victorieux président turc qui aurait terrassé par la force et la ruse l’irréductible PKK.
Cependant, l’Histoire ne s’adapte pas longtemps à la légende, et après un premier mandat où le «renard d’Ankara» a pris le risque de «mentir, tricher, provoquer ses alliés…», comme l’explique un opposant, la crise syrienne rattrape Erdogan réélu. Otage de l’OTAN dont son pays est membre, les limites de sa rébellion de façade contre les Occidentaux coincent le leader panislamiste. Son business d’armes et de pétrole à partir des sols syrien et irakien, son jeu trouble vis-à-vis de Daech, ses provocations à l’endroit de Moscou, allant jusqu’à abattre un avion russe, lui coûteront la stabilité de son pays.
Erdogan a voulu plaire à son peuple en s’attirant de nombreux ennemis dans la région, jusqu’au Machrek où l’on se souvient qu’il a tenté à maintes fois de nuire à l’Egypte, en soutenant ses relais idéologiques, les Frères musulmans de Morsli, et en Libye qu’il a voulu faire imploser par son soutien indéfectible à tous les groupes radicaux dont ceux de Syrte et de Derna.
Aujourd’hui, acculé et confronté à une dégradation sécuritaire sans précédent, le président turc voit ressurgir les vieux démons tels les Faucons de la liberté du Kurdistan qui ont revendiqué les derniers attentats. Istanbul a encore saigné cette semaine alors que les purges qui ont suivi la tentative du coup d’Etat ont provoqué une fracture politique grave au sein de la société. Le rapprochement récent avec l’Etat sioniste a de nouveau montré le visage hideux de l’islamisme politique. Des gestes en décalage avec la morale proclamée. Assez pour décevoir le peuple qui réclame déjà son départ malgré la peur que le nouveau tyran turc inspire. D’aucuns parlent d’un redressement qui se préparerait dans les casernes. La Turquie d’Erdogan pourrait vivre ses derniers moments.
A. T.
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