Le Makhzen et l’influence de l’Algérie ou la schizonévrose des médias de «sa Majesté»
Les médias marocains proches du Makhzen ont consacré cette semaine de longs articles à l’Algérie qui montrent que les services spéciaux du roi Mohammed VI ont massivement espionné le Forum africain d’investissements et d’affaires d’Alger et qu’ils s’emploient actuellement à semer les graines de la discorde au sein du gouvernement. Puisant le gros de leurs arguments dans la littérature de médias connus pour leur haine à l’égard de tout ce qui est algérien, ces médias du Makhzen présentent l’Algérie comme un pays miné par les guerres de clans et au bord de l’implosion. Pour faire passer également l’idée que l’Algérie est sur le déclin et que le Maroc est la nouvelle puissance montante de l’Afrique, ces médias soutiennent que les services secrets algériens ont été incapables de prévoir la percée du Maroc sur le continent et, plus grave encore, d’enrayer le mouvement.
De manière très insidieuse, les médias du Makhzen font d’abord porter le gros de la responsabilité de l’échec à Athmane Tartag, le coordinateur du Renseignement (il doit certainement les gêner beaucoup) et au général Abdelghani Hamel, le directeur de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN). En quoi la DGSN est-elle concernée par l’Afrique et le Maroc ? Les médias du Makhzen omettent de le dire. Mais passons !
Au-delà donc de cette première incohérence, les médias du Makhzen – qui semblent quand même avoir pris leur temps pour étudier les mœurs politiques algériennes afin, sans doute, de donner de l’épaisseur et un peu de vraisemblance à leur histoire – expliquent avec assurance le «faible rendement» des services secrets algériens par les luttes nombreuses ayant fait rage au sommet de la pyramide du pouvoir depuis l’arrivée de Abdelaziz Bouteflika à la présidence de la République.
Pour eux, les luttes ayant opposé tour à tour le président Bouteflika au défunt général Mohamed Lamari, puis entre le chef de l’Etat et Mohamed Mediène, l’ancien patron du DRS, ont eu pour effet d’affaiblir l’appareil sécuritaire du pays et de rendre, pour ainsi dire, totalement aveugle l’Algérie. A en croire donc ces médias, l’Algérie était vulnérable et ouverte aux quatre vents. C’est ce qui aurait permis, ajoutent les mêmes sources, au Maroc d’effectuer son «grand retour» sur la scène africaine et au roi Mohammed VI de s’adresser aux chefs d’Etat africains lors du sommet de Kigali de l’UA.
Bien évidemment, il s’agit là d’un mensonge. Et d’un très gros même. En réalité, Mohammed VI ne s’est pas adressé du tout aux chefs d’Etat africains. D’ailleurs, à quel titre l’aurait-il fait ? Son discours avait été distribué à la sauvette par certains fonctionnaires de son ministère des Affaires étrangères qui étaient venus faire le pied de grue à l’extérieur de l’enceinte du nouveau Palais des congrès pour tendre l’oreille et dresser leur rapport à leurs maîtres. Si c’est ça une victoire diplomatique, c’est que la notion de victoire doit être synonyme de défaite et d’humiliation au Maroc. Pour Rabat donc, ce fameux discours royal a complètement désarçonné la diplomatie algérienne au point où celle-ci est aujourd’hui paralysée.
Les services spéciaux marocains, dont le chef, le roi Mohammed VI, revient d’ailleurs d’un voyage coûteux mais raté en Afrique, où il n’a pratiquement persuadé aucun chef d’Etat de retirer son soutien au Front Polisario, poursuivent leur délire et soutiennent mordicus que les «défaites» diplomatiques enregistrées par les services de Athmane Targag et du général Hamel ont poussé le président Bouteflika à entreprendre un rapprochement avec l’ancien patron du DRS, Mohamed Mediène. Pour eux, la preuve de ce rapprochement, qui concerne aussi Abdelaziz Belkhadem, se trouve dans l’éjection de Saïdani de la tête du FLN. Dans la foulée, ce qui paraît être l’organe de propagande des services spéciaux marocains invente un conflit entre la présidence et l’état-major de l’ANP, dont le chef est présenté aussi comme proche de la porte de sortie… pour avoir tenu un discours musclé à l’égard du Maroc. Le roi Mohammed VI et ses services, qui rêvent visiblement d’une décapitation des institutions sécuritaires de l’Algérie, assurent même que Gaïd-Salah est tombé en disgrâce et qu’il devrait bientôt «sauter».
Pour finir, les médias du Makhzen tirent à boulets rouges sur le Forum africain d’investissements et d’affaires d’Alger, qu’ils qualifient, entre autres, d’événement raté. Et à en croire ces médias, l’Algérie est devenue une république bananière où l’on ne sait pas qui gouverne vraiment et où rien ne fonctionne. Et dire qu’il n’y a pas une semaine, le Makhzen a adressé une lettre officielle à la présidente de la Commission de l’Union africaine, Mme Dlamini Zuma, dans laquelle il a reproché à l’Algérie de faire la pluie et le beau temps en Afrique et de chercher à bloquer l’adhésion du Maroc à l’organisation panafricaine. Ce détail aussi a été oublié. Mais ce n’est pas la première fois que le Maroc fait passer ses échecs pour des victoires. Après tout, Mohammed VI a aussi une opinion interne à gérer. Et en ce moment, il se trouve qu’elle est en train de bouillir.
Khider Cherif
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