Moscou inflexible face à l’Otan
Par Maya Loucif – Moins d’une semaine après l’assassinat en Tunisie d’un ingénieur par les services secrets israéliens, un ambassadeur russe tombe sous les balles d’un policier en civil à Ankara. Ces deux attentats, sans lien direct apparent, interpellent toutefois les observateurs avertis.
L’histoire contemporaine ayant montré que les attentats politiques ciblés perpétrés en sol étranger ont souvent des conséquences graves sur le cours des événements. Nous n’exagèrerons pas notre propos en évoquant la Première Guerre mondiale qui aurait été déclenchée suite à l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand à Sarajevo. En effet, les éliminations physiques de personnalités ou de hauts représentants, lors des bras de fer entre Etats, ont pour objectif de provoquer la rupture.
Lorsqu’il s’agit d’un rapport déséquilibré, comme c’est le cas entre le tout puissant Etat sioniste belliqueux et la paisible Tunisie, l’assassinat de l’ingénieur tunisien n’aura pas d’autres répercussions que d’inoffensives protestations diplomatiques et des condamnations par contumace. En revanche, l’affront au géant militaire russe, vainqueur de la guerre géopolitique menée en Syrie, risque d’entraîner les parties opposées sur le territoire syrien vers une nouvelle guerre avec pour théâtre différents sites stratégiques.
Il faut noter que contrairement à ce qu’on veut faire croire sur des plateaux de télévisions occidentales, la Russie de Poutine n’est pas revenue sur la scène internationale «grâce» au conflit syrien. Bien avant les printemps arabes, le remodelage post-guerre froide souhaité par l’Otan a commencé à irriter Moscou, qui n’a pas attendu pour réagir. Ainsi, la proclamation d’indépendance du Kosovo, contre l’intégrité territoriale serbe, a-t-elle été la première goutte qui a fait déborder le vase.
Vladimir Poutine, en visite dans la capitale de la Bulgarie en janvier 2008, menaça de répondre avec fermeté à cette provocation. La guerre-éclair en Géorgie à l’été de la même année fut la réponse dans le Caucase aux manœuvres de l’Otan dans les Balkans. S’ensuivit un sommet UE-Russie à Nice en novembre sous la présidence tournante de la France. Medvedev remplaçait alors Poutine aux commandes, mais, comme tout le monde le sait, cet interlude ne modifia en rien la détermination de Moscou contre la tendance expansionniste des Etats-Unis par le biais de l’alliance transatlantique. L’allié géorgien fut sacrifié par les Occidentaux, obligés de renoncer à leur ambition de se frotter aux portes de la Russie.
Aujourd’hui, les commanditaires du meurtre de l’ambassadeur russe voudraient défaire une alliance inévitable entre la Russie de Poutine et l’allié indompté, membre de l’Otan, que représente la Turquie. L’ex-patron du FSB ne croit évidemment pas à l’acte isolé et attend de savoir «quelle main a actionné le tueur d’Ankara». En Algérie, des médias manipulés par des officines occidentales se sont interrogés sur les propos de Ramtane Lamamra, ministre d’Etat ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, qui s’est félicité de la victoire de l’Etat syrien contre le terrorisme à Alep. L’appui décisif de la Russie à l’armée de Bachar Al-Assad n’a pas été digéré parce qu’il a mis à nu les sponsors des «rebelles-mercenaires» qui sont forcément les mêmes que ceux qui ont assassiné Andreï Karlov. Un crime politique qui pourrait accélérer l’engagement de Moscou sur d’autres foyers de tension. Nous y reviendrons.
M. L.
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