Qui sont les véritables commanditaires de l’assassinat de l’ambassadeur russe ?
L’assassinat, ce lundi, d’Andreï Karlov, ambassadeur de la Fédération de Russie à Ankara, par un jeune policier turc ne surprend pas, surtout qu’il semble que le mobile du crime a un rapport avec la Syrie. La Russie, en aidant activement Bachar Al-Assad et son armée à reprendre le dessus sur Deach ainsi que sur la constellation de groupes terroristes affiliés à Al-Qaïda qui pullulent en Syrie, s’était forcément placée dans le viseur des sbires du sinistre Abu Bakr Al-Baghdadi. Actuellement en pleine déconfiture, ces derniers n’attendaient que la moindre occasion pour frapper.
Sous réserve de ce que révéleront les résultats de l’enquête, ce qui s’est produit à Ankara a toutes les caractéristiques d’un acte de vengeance. Un acte à mettre sur le compte de Deach ou de l’un de ses sympathisants. Le ministère russe des Affaires étrangères a, d’ailleurs, lui-même qualifié l’assassinat de l’ambassadeur Andreï Karlov d’«acte terroriste» avant de marteler que «le terrorisme ne triomphera pas».
Le fait que l’attaque ait eu pour théâtre la capitale turque n’a rien de surprenant non plus. La Turquie, avant de rallier, à reculons, la coalition internationale anti-Daech dirigée par les Etats-Unis, était la principale base arrière du groupe terroriste. Depuis 2011, de nombreux responsables de Daech mangeaient même dans la main d’Erdogan. L’entente était si cordiale qu’ils lui offraient même du pétrole à un prix tout symbolique. Et même si Ankara a, depuis 2015, officiellement changé de camp, elle reste néanmoins truffée de cellules de l’Etat islamique. Les Turcs payent d’ailleurs eux-mêmes au prix fort le flirt prolongé de leurs autorités avec le terrorisme. Pire encore, l’assassinat d’Andreï Karlov, 62 ans, montre que Daech peut même compter des sympathisants au sein de l’appareil sécuritaire turc.
La question à laquelle il est urgent pour les autorités turques de trouver une réponse ne souffrant d’aucune ambigüités est bien celle de savoir si ce qui s’est produit dans la galerie d’art d’Ankara où a été assassiné l’ambassadeur russe est un fait isolé ou non. En d’autres termes, elles doivent très vite établir si leurs services de sécurité sont infiltrés par l’organisation criminelle dirigée par Abu Bakr Al-Baghdadi ou pas. Si cette dernière piste se confirme, il est fort à parier que la Turquie n’a pas fini de pleurer ses morts. Les Turcs doivent aussi vérifier si leur agent n’a pas été travaillé par un pays de la région pour le pousser justement à commettre son forfait et essayer par la même occasion de dynamiter le récent rapprochement russo-turc.
Les Russes ne sont pas en odeur de sainteté avec la plupart des monarchies du Golfe qui leur reprochent de leur avoir fait rater l’occasion de mettre la main sur la Syrie. Et l’idée de devoir composer avec eux à l’avenir ne les réjouit pas. La haine de ces monarchies pour Poutine et sa politique moyen-orientale s’est d’ailleurs exprimée ouvertement la semaine dernière au Koweït où des députés ont appelé à l’expulsion des ambassadeurs de Russie en poste dans la région pour protester contre le rôle de Moscou dans le «génocide des civils» à Alep.
Dans le contexte actuel, un tel discours n’est rien d’autre qu’un appel au meurtre. Pour le reste, les monarchies du CCG savent très bien que les meurtriers, ce n’est pas ce qui manque dans la région.
Khider Cherif
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