Jalal Al-Azm : philosophe et libre penseur syrien
Peu connu du public algérien, Sadik Jalal Al-Azm, philosophe et libre penseur syrien présenté comme «le principal chef de file du courant rationaliste, matérialiste et laïc dans le monde arabe», est décédé le 11 décembre 2016 à l’âge de 82 ans à Berlin. Issu d’une grande famille de notables sunnites de Damas, il avait fait des études en philosophie à l’Université américaine de Beyrouth qu’il a poursuivies à l’Université Yale aux Etats-Unis. Revenu en Syrie en 1962, il a enseigné au département de philosophie de l’Université de Damas, puis à l’Université américaine de Beyrouth, et en 1969 à l’Université de Jordanie. Il sera à nouveau à l’Université de Damas de 1977 à 1999 pour enseigner la philosophie moderne. Membre de l’Académie européenne des sciences et des arts, Sadik Jalal Al-Azm avait reçu de nombreuses distinctions, dont, en 2004, le prix Erasmus décerné par le Praemium Erasmianum sous le patronage du prince Bernhard des Pays-Bas et le prix Leopold-Lucas décerné par l’Université de Tübingen (Allemagne). Il a été professeur invité dans plusieurs universités étrangères, dont celle de Berlin et de Hambourg où, en juin 2005, il s’est vu décerner le titre de docteur honoris causa.
Il était connu pour être opposé à l’utilisation de la religion musulmane comme arme politique. Il déclarait, en 2008, dans une interview : «Maintenant, je trouve que la pensée religieuse qui émerge de l’islam est dans un état encore plus profond d’appauvrissement, dans le sens où aujourd’hui nous en sommes arrivés à des questions telles que la fatwa sur l’allaitement d’adultes – et cela n’a pas été délivré par n’importe quel cheikh ordinaire, mais par le chef du département des hadiths de l’Université Al-Azhar.» Il rapportait, dans la même interview, que «le mufti saoudien Abd Al-Aziz Ibn Baz a déclaré que tous ceux qui disent que la Terre tourne en orbite autour du Soleil sont des apostats». Il considérait que «les mouvements djihadistes sont plus intéressés par la domination islamiste que par la résistance à la présence militaire occidentale». Il était également opposé à Bachar Al-Assad. En 2001, il a signé un manifeste réclamant la démocratisation de la Syrie et la proclamation d’un Etat de droit. A partir de Beyrouth, où il vivait, il a soutenu les manifestations hostiles au président syrien en mars 2011, puis est parti vivre en exil à Berlin.
Un grand éditeur berlinois a rassemblé son œuvre en sept volumes. Parmi ses ouvrages, dont quelques-uns ont été traduits en anglais : Kant’s Theory of Time (1967), Naqd al-Fikr al-Dini (La critique de la pensée religieuse 1969), The Origins of Kant’s Arguments in the Antinomies (1972), Four Philosophical Essays (1980), The Mental Taboo : Salman Rushdie and the Truth Within Literature (1992), Islam und säkularer Humanismus(2004), Ces interdits qui nous hantent (2008), Self-Criticism After the Defeat (2011).
Houari A.
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