Abdallah Djaballah veut imposer son leadership dans le mouvement islamiste
Les «grandes manœuvres» des partis islamistes se précisent à quelques mois des élections législatives en Algérie. Abdallah Djaballah, leader du Front pour la justice et le développement (FJD), a livré au journal arabophone Al Hayat les contours de sa stratégie qui a l’ambition de dépasser l’enjeu électoral pour se positionner dans la classe politique comme un pôle puissant en mesure de peser sur les choix du pays, voire de le diriger. Abdallah Djaballah confirme que le rapprochement du PJD avec Ennahda de Mohamed Douibi est une «fusion en un seul parti et non une alliance islamique dans les élections». Il est optimiste quant à la procédure d’agrément de ce nouveau parti qui, dans les faits, consistera en la reconstitution sous un autre nom du mouvement Ennahda qu’il avait lui-même créé au moment de l’ouverture politique du pays à la fin des années 1980.
Le chef du PJD veut rassembler au-delà de ces deux formations et intégrer à son projet d’autres composantes de la mouvance islamiste. Djaballah pense au MSP, à El-Bina et au Front du changement qui viennent de la même matrice, la «même école, celle du juste milieu», selon ses propos.
La présence d’Abou Djerra Soltani (MSP) et de Mustapha Belmehdi (El-Bina) à la cérémonie de signature de l’«alliance stratégique d’intégration» pilotée par Djaballah est certainement un signe qui encourage ce dernier dans cette voie. Evidemment, il est conscient que son projet est de nature à effrayer la classe politique et qu’il peut rencontrer une forte hostilité dans l’opinion publique. Ses propos rassurants sur ce que serait le programme de son nouveau parti visent à lui donner une image acceptable. Il prétend que son projet est dans l’intérêt du pays et ne constitue une menace pour personne, encore moins pour le pouvoir, laisse-t-il entendre.
Effectivement, le pouvoir, au contraire, pourrait voir dans l’émergence de ce pôle islamiste, comme cela s’est fait par le passé, un instrument de mobilisation qui permettrait de réduire l’ampleur de l’abstention aux élections, qui est prévisible au vu du contexte économique, social et aussi politique, de préparation de cette échéance, et donc leur donner plus de crédibilité. Du même coup, le pouvoir pourrait également compter sur une dispersion des voix de l’opposition et en tirer profit. Peut-on, pour autant, penser que le projet de Djaballah de rassembler les partis islamistes dans une seule formation politique serait encouragé par le pouvoir ? Ce n’est pas exclu.
Djaballah est connu pour ses ambitions politiques et particulièrement son désir d’être le chef de tous les islamistes d’Algérie. Une des raisons qui a fait éclater Ennadha et l’a fait évincer de la tête de ce parti a été la tendance au culte de sa personnalité qu’il a développée chez les militants. Cependant, la recherche du leadership au sein des partis islamistes est une maladie qui n’est pas propre à Djaballah. On la retrouve aussi chez les leaders successifs du MSP. On ne connaît d’ailleurs pas la réaction d’Abderrezak Mokri au projet de ce nouveau parti aux visées hégémoniques. Les luttes intestines qui minent le mouvement islamiste et le divisent, ce dont s’est plaint Djaballah, sont provoquées par cette lutte pour le leadership qui s’impose comme une fatalité. Le pouvoir a eu tout le temps de s’appuyer sur cette faille pour compromettre le mouvement islamiste, à travers sa participation non seulement aux élections, mais surtout au gouvernement et à d’autres rouages de l’Etat. Cette compromission constitue un handicap sérieux que Djaballah aura toutes les difficultés du monde à surmonter.
Houari Achouri
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