Eric Denécé dénonce les falsifications des médias sur la Syrie
Invité cette semaine sur le plateau de LCI, Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), a dénoncé avec véhémence la désinformation par les médias de masse sur la situation en Syrie. «Concernant la situation à Alep, on est sur une falsification de l’information qui est énorme. Bien sûr qu’il y a une guerre civile en Syrie, bien sûr que la situation d’Alep est inadmissible ; ceci dit, cela ne concerne que 30% d’Alep, cela concerne soit des civils qui sont pris en otage par des djihadistes, soit des gens qui refusent justement de quitter les quartiers parce qu’ils soutiennent ces mêmes djihadistes», a-t-il soutenu.
Pour le directeur du CF2R, il est clair que l’opinion occidentale «se fait rouler dans la farine avec Alep». «Je ne dis pas qu’il n’y a pas de victimes innocentes qui périssent à Alep. Seulement, on oublie de dire qu’il n’y a qu’un tiers des quartiers d’Alep qui sont victimes des bombardements, et que dans ce tiers de la ville sont présents des djihadistes dangereux et que ce sont ces mêmes djihadistes qui tirent sur les quartiers chrétiens et le reste de la ville depuis des années.»
Selon Eric Denécé, la manière avec laquelle les médias occidentaux traitent la situation en Syrie contraste de manière évidente avec la couverture par ces mêmes médias de la campagne saoudienne au Yémen. «Pourquoi on ne parle pas du massacre humanitaire que provoquent les Saoudiens au Yémen, où systématiquement des hôpitaux sont ciblés, où également des quartiers sont ciblés et où des sites archéologiques sont détruits ?», s’est-il interrogé. Le spécialiste du renseignement indique de ses contacts sur le terrain lui ont affirmé que «pas un kilomètre carré n’est épargné au Yémen par les bombardements saoudiens et ceux de la coalition arabe», alors qu’à l’inverse, dans certaines villes syriennes les choses se passent bien.
Dénonçant l’attitude de deux poids, deux mesures adoptée par les médias occidentaux à l’égard de certains conflits, Eric Denécé s’est dit, par ailleurs, ne pas comprendre pourquoi les médias ne disent rien à propos de la guerre civile qui a ravagé le Congo, une ancienne colonie française, durant les années 1990. Une guerre civile, a-t-il précisé, qui a fait 400 000 morts pour 4 millions d’habitants, soit 10% de la population. «Aujourd’hui, la manière avec laquelle les médias mettent le focus sur la Syrie et Alep est une falsification complète de la réalité. Quand je dis cela, cela ne veut pas dire qu’on défend Bachar Al-Assad, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de victimes civiles qui disparaissent. Je dis simplement qu’il y a quelque chose de complètement dangereux. Aujourd’hui, la façon dont les médias occidentaux présentent la situation est une motivation pour les jeunes islamistes pour passer à l’action», a-t-il averti.
Pourquoi les médias français se comportent-ils de la sorte ? Pour Eric Denécé, «les médias français sont suivistes et se laissent entraîner par ce qui est produit par les médias grand public anglo-saxons et arabes, qui, eux, ont intérêt à présenter la situation en Syrie comme quelque chose d’absolument scandaleux». A ce propos, il s’est dit regretter qu’on ne dise pas, par exemple, que parmi les 300 000 morts recensés en 5 ans de guerre civile, environ 90 000 militaires et 70 000 personnes pro-régime sont massacrés. «On nous présente les faits comme si Bachar Al-Assad avait tué 90% de la population, ce qui est inexact, ce qui ne veut pas dire qu’il soit un saint», fait-il remarquer.
Pour le directeur du CF2R, il est clair qu’ «en étant en relation avec des Etats qui comme l’Arabie Saoudite et le Qatar encouragent directement ou indirectement le djihadisme et en présentant Alep comme on le fait actuellement, on donne du carburant aux jeunes des banlieues françaises (…). Ça les pousse à passer à l’action».
Y a-t-il une chance pour que le régime de Bachar Al-Assad s’effondre ? Eric Denécé s’était dit, dans un entretien accordé à Algeriepatriotique, persuadé du contraire. Pour lui, la Syrie n’est pas la Libye et les structures sociales y sont plus solides, le régime organisé, l’armée fidèle et Damas a des alliés solides. «Il ne s’agit pas d’une tentative de coup d’Etat raté, mais bien d’une révolution orchestrée par l’étranger et les Frères musulmans qui n’a pas abouti. D’où la nouvelle stratégie terroriste largement encouragée par le Qatar et l’Arabie Saoudite. Mais tout semble montrer que le régime ne tombera pas, même si Bachar Al-Assad s’en allait», a-t-il soutenu.
Khider Cherif
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