Le projet de fusion proposé par Djaballah effraie le MSP
Comme c’était prévisible, l’annonce par Abdallah Djaballah, leader islamiste du Front pour la justice et le développement (FJD), de son projet de création d’un nouveau parti issu de la fusion du FJD et d’Ennahda de Mohamed Douibi a fait souffler un vent de panique sur le Mouvement de la société pour la paix (MSP) que préside actuellement Abderrezak Mokri. Le chef du MSP révèle qu’il n’a pas été consulté ni même informé auparavant sur le projet initié par son rival Djaballah. Il tient à relativiser, voire minimiser cet événement qu’il place dans la perspective des élections législatives et locales prévues en 2017.
Mokri est-il sincère quand il se déclare heureux d’apprendre la création de cette formation politique islamiste ? Il est permis d’en douter quand on prend connaissance de la lecture de fond qu’il en fait, telle qu’elle est exposée dans son message électronique habituel. En effet, il laisse immédiatement savoir que le MSP n’est pas concerné et ne sera pas touché par l’union politique des islamistes prônée par le chef du FJD. Il plaide pour le maintien du MSP à côté du nouveau parti, c’est-à-dire pour l’existence de deux partis, en s’appuyant sur deux arguments «complémentaires» : la nécessité pour le mouvement islamiste de ne pas disperser ses forces dans la multitude de formations politiques et l’exigence d’éviter le «parti unique» qui risque de susciter des craintes et une forte opposition dans le pays et même à l’étranger.
Le message de Mokri adressé à Djaballah est sans ambigüité : pas d’objection à ce que tu reconstitues ton ancien parti Ennahda, mais pas question aussi de porter atteinte ou, pire, de faire disparaître le MSP en l’annexant à ce nouveau parti. On peut même penser que Mokri suggère un partage du dépeçage du mouvement islamiste entre le néo-Ennahda et le MSP qu’il présente comme le parti le plus qualifié dans toutes les dimensions (implantation, expérience…). Autre argument avancé par Mokri pour le maintien du MSP : les conditions politiques actuelles au niveau national et au plan international ne sont pas favorables à une offensive générale à l’occasion des prochaines élections ; ce n’est pas opportun, estime-t-il, et donc inutile de rassembler les forces à ce point. Il faut encore temporiser, recommande le chef du MSP à Djaballah.
Abderrezak Mokri, qui semble avoir oublié la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD) et l’Instance de coordination et de suivi de l’opposition (ICSO) dont il a été membre, compte maintenant sur le mouvement islamiste et envisage les alliances électorales sur cette base en donnant pour cap, lui aussi, l’unité des rangs au sein d’une formation unique quand les conditions lui seront créées. Il s’y était préparé, on s’en souvient, au moment du déclenchement du «printemps arabe» qui avait donné aux partis islamistes l’occasion d’arriver au pouvoir en Tunisie, en Egypte et au Maroc, de déstabiliser durablement la Libye et de plonger la Syrie dans une guerre qui n’est pas encore finie.
Le MSP s’était retiré du gouvernement pour se laver de toute compromission au cas où le mouvement de déstabilisation de 2011 aurait pris en Algérie. Il pense que ce n’est que partie remise. Mais pour le moment, la grande crainte de Mokri est que la fusion lancée par Djaballah produise un effet d’entraînement sur les autres formations islamistes et arrive même à siphonner dans ses rangs déjà traversés par des divisions qui l’ont fait éclater en morceaux et continuent de le menacer. Mokri doit connaître le fond de la pensée et l’ambition de Djaballah : faire renaître le parti Ennahda qu’il a créé à la faveur de l’ouverture du paysage politique opéré à la fin des années 1980 et le hisser comme pôle unique du mouvement islamiste, ce qui signifie clairement que le MSP sera relégué à jouer les seconds rôles ou contraint de disparaître.
Houari Achouri
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