Méditer l’action de Ferhat Abbas
Par Abderrahmane Mebtoul – Les objectifs stratégiques consistent en la refondation de l’Etat algérien conciliant la modernité et son authenticité, l’efficacité économique et une profonde justice sociale, de faire renaître la confiance entre l’Etat et les citoyens grâce au dialogue fécond et productif. Il n’existe pas d’Etat standard mais que des équipements anthropologiques qui le façonnent largement influencés depuis les années 1980-90 par la mondialisation avec de nouvelles fonctions.
Dès lors, des stratégies d’adaptation politique, militaire, sociale et économique tenant compte de l’innovation destructrice, en ce monde turbulent et instable pour reprendre l’expression du grand économiste Joseph Schumpeter dans son ouvrage universel Réformes et Démocratie. D’où l’urgence de restructurer tant le système partisan que la société civile, loin de toute action autoritaire. Lorsqu’un pouvoir émet des lois qui ne correspondent pas à l’Etat de la société, celle-ci émet ses propres lois qui lui permettent de fonctionner, accentuant le divorce Etat-citoyen par la dominance de l’informel à tous les niveaux, politique, économique, social et culturel.
Tout pouvoir a besoin d’une opposition forte, organisée, avec des propositions productives pour se corriger, devant l’associer dans les grandes décisions qui engagent l’avenir du pays. L’Algérie a besoin, pour éviter la léthargie et la stérilité, que tous ses enfants, dans leur diversité, par la tolérance des idées d’autrui, se regroupent au sein d’un même objectif, à savoir le développement économique et social tenant compte de la dure réalité mondiale où toute nation qui n’avance pas recule forcément.
L’Algérie a besoin d’un consensus minimum qui ne saurait signifier unanimisme, signe de la décadence de toute société. Il faut revenir aux fondamentaux de la démocratie. Nous devons apprendre à nous respecter, personne n’ayant le monopole du nationalisme, et nous devons tolérer les idées d’autrui. Si le pouvoir et l’opposition se cantonnent dans le monologue en ignorant les aspirations profondes de la société et des nouvelles exigences mondiales, en se cantonnant dans le statu quo, bloquant les réformes structurelles, l’Algérie va droit au mur, avec le risque de déstabilisation de toute la région.
L’Algérie traverse une crise multidimensionnelle politique, économique, sociale et culturelle qui rend urgent une transition démocratique, elle-même tributaire d’une transition à la fois énergétique et d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales, que ne saurait voiler l’euphorie de la rente des hydrocarbures traditionnels qui vont à l’épuisement à l’horizon 2030… Je juge que les analyses et propositions de feu Ferhat Abbas sont d’une brûlante actualité
Ferhat Abbas fut le premier défenseur algérien de l’économie de marché à vocation sociale ; en fait, un social-démocrate contre l’étatisme bureaucratique et un capitalisme sauvage. Il préconisait de réaliser la symbiose entre l’efficacité économique et une profonde justice sociale et ce grâce un Etat puissant régulateur mais fort que par sa moralité, l’Etat de droit et la démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle.
Pour cela, le dialogue permanent entre les différentes forces politiques, sociales et économiques sans exclusive condamnant toute forme d’extrémisme, la participation citoyenne à la gestion de la cité intégrant l’élite et la femme, signes de la vitalité de toute société, et le contrat qui devait remplacer les actions autoritaires bureaucratiques étaient les conditions pour la prospérité de l’Algérie. Il a mis en exergue la nécessité de lutter contre la corruption, les responsables devant donner l’exemple qui, selon lui, constituerait le plus grave danger qui menacerait le devenir du pays, et préconisé de promouvoir les libertés, toutes les libertés. Ce que l’on appelle aujourd’hui la bonne gouvernance.
A. M.
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