Interview – Mostepha Yahi : «Avec le drone Amel 3, rien n’est désormais impossible»
Le docteur Mostepha Yahi, directeur général du Centre de recherche en technologies industrielles (CRTI), revient dans cet entretien sur le dernier drone conçu et réalisé par une équipe d’ingénieurs algériens relevant de ce centre. Il assure que par la réussite du test de vol de ce dernier prototype, dénommé Amel 3, le CRTI peut se targuer de maîtriser la technologie des drones, qualifiant ainsi cette étape de très importante pour la poursuite de la dynamique de développement des technologies industrielles. Revenant sur l’historique de cet ambitieux projet, qui place l’Algérie au même niveau que l’Afrique du Sud dans la conception et la réalisation des drones, le docteur Yahi assure que «rien n’est désormais impossible». Il évoque ainsi la prédisposition du centre à travailler directement avec le secteur économique. Un centre qui est toujours, selon lui, à l’écoute du secteur économique et prêt à répondre à toute demande de développement d’engins de ce genre sur la base d’un cahier des charges. Pour lui, la réussite du projet du troisième prototype de drone constitue déjà un retour sur investissement d’un centre qui a engagé des actions de développement technologique au profit du secteur économique national.
Algeriepatriotique : Vous avez mené avec succès le test de vol du nouveau prototype de drone Amel 3. Que signifie la réussite de ce test ?
Mostepha Yahi : Cela signifie que notre établissement, le Centre de recherche en technologies industrielles, sous tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, commence à maîtriser une technologie de recherche-développement dans le domaine de l’aéronautique avec ses deux volets structure et systèmes embarqués.
Peut-on dire que l’Algérie a désormais son propre drone ?
Comme vous le savez, la recherche-développement en aéronautique est un domaine complexe et pluridisciplinaire qui nécessite, d’une part, la maîtrise de plusieurs outils de travail, tels que l’informatique, l’électronique, la robotique…, et d’autre part, la maîtrise de la gestion des projets de grande envergure qui exigent l’implication de plusieurs catégories d’intervenants. Je crois que l’expérience de notre centre de recherche sert d’espace aux compétences nationales pour développer davantage leur savoir-faire dans la construction des drones. Nous avons parcouru un long chemin qui nous a permis d’aboutir à cette réalisation qui ouvre la voie de l’aéronautique à l’Algérie. Avec la réussite du test du drone Amel 3, l’Algérie rejoint l’Afrique du Sud dans ce domaine assez pointu. Si nous continuons sur la même dynamique, nous pourrions devenir leader continental dans ce domaine. Avec la réussite des tests d’Amel 3, rien n’est désormais impossible.
Quelle est la prochaine étape ? Ce produit sera-t-il commercialisé ?
Notre centre est chargé notamment de réaliser des projets de recherche nécessaires au développement des technologies industrielles. Un domaine sur lequel compte beaucoup l’Etat pour diversifier son économie. Nous sommes de ce fait constamment à l’écoute du secteur économique et nous sommes là pour toute demande de développer des engins de ce genre sur la base d’un cahier des charges. Le centre constitue aussi une plateforme pour la formation des étudiants en fin de cycle dans les technologies industrielles et autres.
Le CRTI que vous diriger aujourd’hui travaille sur la conception, la réalisation et la production de drones depuis 2010. Comment jugez-vous les résultats de toutes ces années de travail ?
Notre expérience avec le drone a commencé en 2010 lorsqu’une équipe de jeunes ingénieurs au chômage, pur produit de l’Université algérienne, est venue frapper à la porte de la direction générale de la recherche scientifique et du développement technologique (DG-RSDT). Un projet de prototype a été présenté en 2010 devant le président de la République lors de l’ouverture solennelle de l’année universitaire 2010-2011 à Ouargla après achèvement de la phase d’étude. Après trois années consacrées à l’étude, la conception et la réalisation, un prototype de drone de 4,60 m, baptisé Amel 1, voit le jour. En 2013, une série de tests a été programmée à l’aéroport de Sidi Bel Abbès où les tests au sol se sont déroulés avec succès, mais des difficultés techniques n’ont pas permis de réaliser les tests de vol. Le Salon international des UAV, de l’aéromodélisme et de la simulation, qui s’est tenu à Oran en 2014, a permis à notre centre de recherche, en sa qualité d’organisateur, de faire le bilan de ses actions dans ce domaine. Cela s’est traduit par la volonté d’initier une nouvelle action de conception d’un deuxième vecteur volant pour faire suite au projet Amel 1. Ce projet, dénommé Amel 2, de 7 m, qui a réalisé son vol avec succès en novembre 2015, a été validé en vol grâce à deux caméras embarquées. Aujourd’hui, le projet Amel 3 vient traduire les grands efforts qu’ont déployés les ingénieurs de la plateforme technologique pour maîtriser cette technologie. Je peux donc vous dire que les résultats de notre expérience dans ce domaine ne sont que bénéfiques pour la communauté scientifique et pour le secteur industriel national.
Le CRTI dispose-t-il de tous les moyens nécessaires pour le bon accomplissement de ses missions de recherches ? Bénéficie-t-il de tout l’appui nécessaire des pouvoirs publics ?
Au démarrage du projet Amel 1, notre établissement ne disposait pas de tous les moyens matériels et humains indispensables pour pareille entreprise, en particulier pour l’évaluation de certaines étapes déterminantes pour l’aboutissement du projet. Mais notre département ministériel a beaucoup investi dans les structures de recherche de manière générale et dans notre centre en particulier. Durant ces dernières années, notre établissement a bénéficié de plusieurs opérations d’acquisition d’équipements scientifiques et de recrutement de chercheurs et de personnel technique. Les actions de développement technologique engagées par notre centre au profit du secteur économique national ne sont qu’un retour sur investissement.
Entretien réalisé par Hani Abdi
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