Les partis et les législatives : les islamistes se préparent à entrer au gouvernement (III)
A quatre mois des élections législatives, les différents partis islamistes affûtent leurs armes et tentent de tisser de nouvelles alliances pour accroître leurs chances. Chacun cherche, en tous les cas, à se poser en interlocuteur fiable du pouvoir, dans la perspective d’une entrée au gouvernement qui se dessine. Le parti d’Amar Ghoul n’ayant plus la cote, il faudrait une formation islamiste de substitution : le MSP ou le nouveau parti issu de la fusion entre le FJD d’Abdallah Djaballah et son ancien parti, Ennahda.
Pour le MSP, qui avait rompu d’avec une longue tradition de participation au gouvernement, il s’agit d’abord de sortir de la mauvaise passe dans laquelle il se trouve depuis ses derniers revers électoraux, après avoir été un fidèle allié du pouvoir, avec une soixantaine de députés à l’APN et au moins trois portefeuilles ministériels. Acculée par le courant participationniste, représenté par l’ex-président du parti, Bouguerra Soltani, la direction du MSP n’a jamais pu justifier sa volte-face. Dans son dernier écrit sur sa page Facebook, l’inusable Abderrazak Mokri dit que son parti serait la cible d’attaques groupées émanant de milieux divers – qu’il ne nomme toutefois pas –, lesquels groupes chercheraient à le «faire plier». Il assure ses partisans que leur mouvement «en sort à chaque fois plus aguerri et plus renforcé». Preuve en est que le MSP est aujourd’hui, d’après Mokri, le seul parti politique «autostructuré» dans les quarante-huit wilayas. Cela devrait se vérifier le jour du scrutin.
Galvanisé un moment par la victoire des mouvements islamistes aux élections dans quelques pays arabes, le MSP a pris le risque de quitter l’alliance présidentielle et de durcir sa ligne politique, en jouant à l’opposition (avec la CNLTD, avant de la torpiller) et en revenant au discours populiste. Le mouvement fondé par Mahfoud Nahnah n’en finit pas de surprendre l’opinion par ses couardises et sa duplicité, qu’il a, en fait, toujours adoptées comme un mode d’action politique. Le parti est tout à fait dans son style.
En se réclamant de l’idéologie des Frères musulmans, et en assumant son allégeance à l’AKP d’Erdogan, le MSP franchit un pas dangereux. Pourtant, il est l’un des premiers partis, et le seul de sa «famille», à avoir condamné le terrorisme et avoir boycotté le contrat de Rome qui a réuni, en 1995, les principaux partis d’opposition avec le parti dissous. Il en a même été l’une des premières victimes puisque plusieurs militants – dont une de ses figures de proue, cheikh Bouslimani – ont été assassinés par des terroristes islamistes.
Pour le pouvoir, ce parti reste celui qui a contribué avec efficacité, avec d’autres forces, au «parachèvement de l’édification des institutions de la République», en prenant partie une première fois à la présidentielle de 1995, puis aux législatives et aux locales de 1997, à partir desquelles il s’est imposé comme troisième force politique du pays, avant d’être déclassé en 2002 par le MRN d’Abdallah Djaballah.
Présenté comme l’outsider du MSP et le favori des prochaines élections législatives, la nouvelle alliance lancée par Djaballah, en attente d’agrément, fixe comme objectif immédiat de ratisser large dans le camp islamiste. Connu pour son populisme religieux, Djaballah se voit comme celui ayant le plus de chances de glaner les voix des plus radicaux. «Notre politique, programme et actions, a-t-il déclaré à la création du FJD en 2011, seront au service de la religion, de la nation et du peuple.» D’aucuns ont vu dans cette mise en exergue des valeurs religieuses un clin d’œil clair en direction de la base de l’ex-FIS – ou ce qui en reste –, qui demeure l’objet de toutes les convoitises à l’approche des élections d’avril 2017.
A l’instar des leaders d’autres formations islamistes, l’ancien chef des mouvements Ennahda, puis El-Islah, rêve, lui aussi, d’être au rendez-vous avec l’histoire en accompagnant cette «déferlante islamiste» qui frappe depuis 2011 dans le monde arabe et qui, au moins dans trois pays, a porté des mouvements islamistes au pouvoir. A défaut de prendre le pouvoir, lui et son mouvement ne se gêneraient pas d’y être associés.
R. Mahmoudi
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