Crise profonde entre la Mauritanie et le Maroc
La classe politique mauritanienne, relayée par les médias locaux, a estimé que les déclarations du secrétaire général du parti marocain El Istiqlal, par lesquelles il avance que la Mauritanie «est une terre marocaine», ramenaient la relation entre les deux pays au niveau le plus bas jamais connu depuis des décennies et exigé des excuses officielles de Rabat. Les implications des propos du responsable politique marocain, qui alléguait samedi dernier que la Mauritanie était «une terre du Maroc et que les frontières du royaume chérifien s’étendait de Ceuta au fleuve du Sénégal», renseignent sur la crise profonde qui émaille les relations entre les deux pays.
Les autorités marocaines ont dépêché en Mauritanie une délégation gouvernementale conduite par Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement, porteur d’un message du roi Mohammed VI au président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz, avec lequel le souverain marocain a eu auparavant un entretien téléphonique portant, selon les médias officiels, «sur les relations bilatérales entre les deux pays et les moyens de les consolider et de les promouvoir». «Les déclarations du secrétaire général du parti El Istiqlal sont irresponsables», avait affirmé M. Benkirane, cité par l’agence marocaine AMI, dans une brève déclaration au terme de son entrevue avec le président mauritanien à Zouirate, dans le nord du pays, où ce dernier passait ses vacances.
Selon la presse locale, le chef de gouvernement marocain a refusé de répondre aux questions des journalistes. Les déclarations du SG d’El Istiqlal ont suscité une vague d’indignation de la classe politique mauritanienne, qui les a qualifiées de «provocatrices», exprimant sa préoccupation face aux tensions qui émaillent les relations entre les deux pays du fait de la montée des propos hostiles à la Mauritanie dans les tribunes médiatiques marocaines.
L’Union pour la république (UPR), au pouvoir, a été le premier à réagir en parlant d’«un empiètement sur la souveraineté et l’indépendance de la Mauritanie», tout en lançant un appel à l’ensemble des dirigeants du parti El Istiqlal et aux élites marocaines à présenter des excuses au peuple mauritanien. Le Rassemblement national pour la réforme et le développement (opposition) a, pour sa part, condamné ces propos inacceptables, tandis que l’Alliance populaire progressiste s’est élevée contre de telles provocations, se disant prête à relever tout défi en découlant.
Pour le Bloc de la citoyenneté pour la sauvegarde de la Mauritanie, «le secrétaire général du parti El Istiqlal a dépassé toutes les lignes rouges», tandis que le parti Nidaa El Watan a exigé de ce responsable politique de retirer sans plus tarder ces «propos dont la région peut se passer».
L’avocat Mohamed Sidi Mohamed El Mahdi a considéré que Chabat a emboîté le pas à son prédécesseur Allal El Fassi. Ce juriste a invité les politiques marocains «à mieux étudier l’histoire pour ne plus tomber à l’avenir dans des erreurs pour le moins gênantes, alors qu’ils peinent encore à se tirer du bourbier du Sahara Occidental».
Pour le chercheur du Centre de recherches et d’études stratégiques, Mohamed El Hafedh Ould El Ghabed, le Maroc, à court d’inspiration, veut que la Mauritanie adopte une position passive que les politiques marocains confondent avec position neutre.
Une des raisons des tensions qui affectent la relation marocco-mauritanienne est l’accueil par le Maroc de certains opposants mauritaniens et l’implication du royaume dans des dossiers peu avantageux pour les relations d’amitié et de fraternité.
R. I.
Comment (34)