La grève des commerçants tourne à l’émeute à Béjaïa
Actualisé – La grève des commerçants annoncée pour aujourd’hui tourne à l’émeute dans la ville de Béjaïa. Plusieurs routes ont été fermées par des manifestants en colère, scandant des slogans hostiles au pouvoir et dénonçant les conditions de vie des citoyens. Les manifestants ont dit «non à la loi de finances 2017», «non à la misère», «non à la violence», «pour le droit d’avoir tous les droits» et «pour la protection de notre pays».
La manifestation de rue a vite tourné à l’affrontement entre protestataires et forces antiémeutes. Des biens immobiliers et des voitures ont été saccagés. Selon nos sources, un bus appartenant l’Etablissement de transport urbain de Béjaïa (Etub) a été calciné au niveau du quartier Edimco.
Les émeutes se sont déroulées donc au centre-ville de Béjaïa. Selon des sources locales, les affrontements entre manifestants et forces de maintien de l’ordre se poursuivent encore cet après-midi. Aucun bilan n’a été fourni sur d’éventuels blessés des deux côtés. Des centaines de manifestants ont fait le tour des artères principales du centre-ville avant de se regrouper au niveau du fameux rond-point Daouadji, devant le siège de la wilaya. Les forces de l’ordre ont usé de bombes lacrymogènes pour disperser la foule.
La ville de Béjaïa a été totalement paralysée par la grève des commerçants, massivement suivie dans toute la wilaya. Les commerçants de toutes les autres villes de cette wilaya ont répondu favorablement à l’appel à une grève de trois jours des commerçants pour à la fois dénoncer la pression fiscale et protester contre le renchérissement des produits de consommation.
Si dans la ville de Béjaïa les choses ont mal tourné, ailleurs, dans le reste de cette wilaya, la grève s’est déroulée dans le calme, sans le moindre incident. Cette grève a été également suivie à Tizi-Ouzou où les commerçants de la ville ont, de leur côté, gardé les rideaux de leurs magasins baissés.
La LADDH appelle au calme et à la vigilance
Dans une déclaration rendue publique, la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH) a appelé au calme et à la vigilance suite aux émeutes ayant suivi l’appel à la grève générale des commerçants dans la wilaya de Béjaïa et affirmé que «seul un cadre pacifique serait en mesure de faire aboutir des revendications citoyennes toutes légitimes», lit-on dans le communiqué. Tout en déplorant une «situation de dérapage qui risque de mener le pays vers l’incertitude et le chaos», avec les scènes de violence et la destruction de biens publics au niveau du chef-lieu de la wilaya de Béjaïa, les auteurs de la déclaration appellent à la sérénité pour éviter les dérapages. Cette organisation estime que cette a grève générale «démontre encore une fois le degré de maturité et d’éveil de la population et sa détermination à défendre ses droits socioéconomiques menacés par la loi de finances de 2017 adoptée dans le sillage de la crise économique que traverse notre pays», ajoute la déclaration de la LADDH.
D’autres acteurs de la société civile, hommes politiques de la région et citoyens ont déploré les actes de violence. C’est le cas du député du Front El-Moustakbal, Khaled Tazaghart, qui a, lui aussi, invité les citoyens à rester calmes et à ne pas céder à la provocation qui conduirait à de graves dérapages. Un autre internaute de Béjaïa estime qu’il est impératif que le calme revienne à Béjaïa, arguant que «le pouvoir ne survit qu’avec la violence. Il l’attise, la gère et manœuvre avec pour mieux s’éterniser». «Evitons à notre ville, à notre de jeunesse de tomber dans les plans machiavéliques des clans du pouvoir. Sachez que seule la lutte pacifique paie. Ce pouvoir n’a peur que du pacifisme. Toute action, de salon ou de rue, précipitée est irréfléchie. Il est temps, pour nous tous, de raisonner et de dépasser les appels du cœur. A nous de construire notre avenir pacifiquement», a-t-il poursuivi, estimant que «la violence est l’âme de ce pouvoir». «Depuis 1962, et bien avant, ce pouvoir jacobin, arabo-islamiste, a survécu grâce à cette violence. Toutefois, il ne survit que parce que nous acceptons de prendre part à cette violence, à ces manœuvres et à ces rumeurs. Il faut se poser la question : à qui profitera la violence ?», s’est-il interrogé. Pour certains, la responsabilité de cette violence incombe à toute la classe politique.
Hani Abdi et R. Mahmoudi
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