Algérie 2017 ! Quels vœux pour notre pays ?
Par Zoheir Rouis – Traditionnellement, il est de bon temps à l’aube d’une nouvelle année de souhaiter les meilleurs vœux pour notre pays et que l’année qui s’annonce soit meilleure que celle qui s’est achevée. Or, comment pouvoir le faire lorsque l’on sait pertinemment que ce qui attend l’Algérie pour 2017 risque d’être encore plus difficile à supporter que cela n’a pu l’être en 2016 ?
Pour autant, faut-il céder à la tentation facile de l’angélisme et faire comme si réellement 2017 pouvait être meilleure que 2016 ? Si on regarde, de manière que j’espère objective, ce qui s’est passé en Algérie en 2016, on relève les quelques faits suivants :
– un régime autocratique qui s’est maintenu en place une année de plus avec un président toujours aussi absent pour les Algériens ;
– une modification expéditive de la Constitution, une réforme du code électoral pour fermer le champ aux partis, et des dispositions haineuses à l’égard de la communauté algérienne à l’étranger ;
– une situation économique et sociale qui a continué à se dégrader faute de stratégie économique, d’ambition ou de volonté politique, le tout du fait de l’effondrement des prix du pétrole. Donc une année de plus de dépendance tragique aux hydrocarbures ;
– affirmation massive sur la scène politique du monde de l’argent sale et aliénation visible du sérail politique à cette sphère ;
– retour quasi triomphal de Chakib Khellil et tournée des zaouïas alors qu’un mandat d’arrêt international le réclame !
– des règlements de comptes au sommet entre les différents clans qui composent le régime et qui annoncent les batailles à venir et les conditions dans lesquelles elles vont se dérouler ;
– des émeutes répétitives à l’intérieur du pays ;
– des arrestations et des détentions de journalistes, de militants des droits de l’Homme, de militants de partis, de blogueurs… pour atteinte soit au Président, soit aux institutions, soit à la sûreté de l’Etat…
– et on a même eu droit à une opération de sorcellerie nationale faisant la promotion d’un hurluberlu qui aurait créé un médicament contre le diabète !
– et tant d’autres signaux de l’abîme économique, politique, social et intellectuel (tel le désormais fameux trou de Ben Aknoun)… jusqu’à terminer l’année avec le décès en détention de Mohamed Tamalt suite à sa condamnation pour outrage aux institutions et au Président !
Alors oui, après avoir connu en 2016 autant de mépris, de violences, de bassesses, d’indignité, on ne peut que souhaiter le meilleur pour 2017. Mais que savons-nous déjà de 2017 et qui pourrait nous laisser espérer un meilleur possible ? Ce que nous savons déjà de ce qui est planifié pour 2017 :
– en 2017 entrera en vigueur la loi de finances de 2017 et avec elle les augmentations de prix dues pour l’essentiel à la hausse des taux de TVA, des taxes (TIC) et autres impôts qui frapperont non pas les seuls plus aisés, mais l’ensemble de la population et, donc, de manière plus forte les familles les plus démunies.
L’augmentation des prix, outre l’appauvrissement supplémentaire qu’elle créera, induira une baisse de la consommation qui elle-même induira une baisse de la production et donc une augmentation du chômage des catégories les plus faibles.
Par ailleurs, les ressources escomptées de l’augmentation de la TVA et des taxes ne seront pas au RDV puisque les Algériens ne pourront pas se payer les produits rendus plus chers. Par conséquent, le faux équilibre budgétaire annoncé sera un déséquilibre certain qui obligera le gouvernement à abandonner le budget d’équipement pour réussir peut-être à payer les salaires des fonctionnaires, en s’aidant du reste du FRR (Fonds de régularisation des recettes) qui n’est plus alimenté et d’une partie des réserves de changes qu’il continuera à siphonner.
– En 2017, il y aura aussi des élections législatives auxquelles des partis de l’opposition vont octroyer des lettres de démocratie et de légitimité par leur participation. Certains se préparent même à partager le «pouvoir» ou la rente, en annonçant leur disponibilité à participer à un gouvernement d’union nationale piloté, bien sûr, par le régime et pour appliquer le «programme» du Président ! Ce faisant, les partis de l’opposition participationniste vont prolonger en 2017 le maintien de ce régime qu’ils font mine de dénoncer par ailleurs.
En 2017, et à l’occasion de ces élections, la fraude sera de nouveau à l’honneur, parole des mêmes partis de l’opposition participationniste qui, comme une posture de circonstance, la dénoncent déjà tout en maintenant leur participation !
En 2017, l’opposition participationniste aura fait faire un bond en arrière sans précédent à l’opposition qui avait réussi de manière inédite en 2015 et, en partie, sur 2016 à unifier ses rangs, sa prise de parole et ses revendications pour l’instauration d’un Etat de droit face à un régime définitivement réfractaire à toute alternative qui ne le maintienne pas à la tête du pays. Alors, à l’aube de 2017, faut-il déjà désespérer de cette nouvelle année ?
L’année 2016 a été en apparence pire que 2015. Mais en apparence seulement. Car en 2016, et malgré tout, des Algériens se sont plus massivement levés pour s’exprimer et défendre leurs droits. Ce faisant, ils ont fait preuve d’engagement, de maturité et de prise de conscience. En cela, ils ont montré le chemin.
L’année 2017, et malgré les difficultés réelles qui nous attendent, peut être appréhendée avec l’espoir d’un engagement encore plus fort des Algériens pour renforcer les rangs de tous ceux qui agissent pour un véritable changement, pour que notre pays ne sombre pas et pour l’édification d’un véritable Etat de droit.
Pour que 2017 ne soit pas un gâchis ou simplement une année de plus, elle devra être saisie par chacun et chacune non pas pour ruminer dans son coin sa désespérance, mais pour agir avec ceux qui proposent pacifiquement, sereinement et de manière déterminée et désintéressée une autre vision de l’Algérie, débarrassée de ses boulets de toujours. Agir avec ceux qui refusent la compromission destinée à légitimer le régime, à prolonger sa survie et à partager avec lui la rente finissante et les avantages d’une Algérie dépouillée. Agir avec ceux qui veulent s’appuyer sur les nouvelles générations pour bâtir des institutions démocratiques et un véritable Etat de droit.
A la base du désir de changement, il doit y avoir un engagement citoyen fort, pacifique et déterminé. Alors je forme le vœu que l’année 2017 soit l’année de l’engagement citoyen pour écrire ensemble une nouvelle page de notre Histoire.
Z. R.
Secrétaire national de Jil Jadid
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