Erdogan veut régner sur la Turquie jusqu’en… 2029
Recep Tayyip Erdogan confirme son intention de rester au pouvoir. Et pour longtemps encore. Tout en procédant à une purge d’une ampleur jamais égalée dans l’histoire de la Turquie dans le but évident d’écarter ses adversaires politiques, il a entrepris de tripatouiller la Constitution afin de faire main basse sur tous les leviers de pouvoir. La télévision turque a indiqué ce matin que le projet de révision constitutionnelle visant à renforcer ses prérogatives doit justement être soumis au Parlement ce lundi.
Ce projet prévoit le transfert du pouvoir exécutif du Premier ministre au président et pourrait potentiellement permettre à Erdogan, élu chef de l’Etat en 2014 après trois mandats à la tête du gouvernement (2003-2014), de rester au pouvoir jusqu’en 2029. L’instauration d’un système présidentiel serait une première pour la République turque, actuellement régie par une Constitution établie après le coup d’Etat militaire de 1980.
Le projet, déjà adopté par une commission parlementaire un peu avant le Nouvel An, sera débattu en deux temps par l’Assemblée générale du Parlement au cours d’une procédure qui devrait durer treize à quinze jours. L’idée d’un renforcement des prérogatives d’Erdogan inquiète ses opposants qui l’accusent de dérive autoritaire, en particulier depuis la tentative du coup d’Etat du 15 juillet et les purges qui s’en sont suivies.
Et les opposants turcs ont vraiment de quoi être inquiets. Trois décrets-lois parus aujourd’hui au Journal officiel montrent que les autorités turques ont eu la main excessivement lourde. Elles ont limogé plus de 8 000 personnes et fermé des dizaines d’associations supplémentaires dans le cadre des enquêtes ouvertes après ce putsch manqué. Parmi les 8 390 personnes limogées figurent 2 687 policiers, 1 699 fonctionnaires du ministère de la Justice, 838 de celui de la Santé et des centaines d’employés d’autres ministères ainsi que 631 universitaires et 8 membres du Conseil d’Etat.
Les décrets précisent que les ressortissants turcs se trouvant à l’étranger pourront être déchus de leur nationalité s’ils ne rentrent pas dans les trois mois suivant leur convocation par les autorités. Ils ajoutent que la police pourra désormais accéder aux informations personnelles des internautes, dans le cadre d’enquêtes concernant la cybercriminalité. Plus de 80 associations accusées d’«activités portant atteinte à la sûreté de l’Etat» ont, par ailleurs, été fermées. Parmi elles, 8 clubs de sport sont concernés, principalement situés dans le sud-est à majorité kurde du pays.
Les autorités turques accusent notamment Fethullah Gülen, un prédicateur exilé aux Etats-Unis, d’avoir ourdi le coup de force, ce que l’intéressé dément. Depuis le coup d’Etat manqué, plus de 41 000 personnes ont été arrêtées en Turquie et plus de 100 000 limogées ou suspendues, notamment des professeurs, policiers et magistrats.
Khider Cherif
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