Le chercheur Marc Mémier se fie aux services algériens : «Belmokhtar est en vie»
Selon un expert français qui s’appuie principalement sur une source des services de renseignement algériens, le chef terroriste Mokhtar Belmokhtar, émir d’Al-Mourabitoun, serait bien vivant. Dans une étude mise en ligne ce vendredi et intitulée «Aqmi et Al-Mourabitoun : le djihad sahélien réunifié ?», Marc Mémier, conseiller politique et chercheur sur les problématiques de sécurité en Afrique subsaharienne, accrédite l’information publiée par le journal électronique Middle East Eye le 14 décembre dernier qui se réfère à des spécialistes algériens qui ont des arguments.
En effet, Middle East Eye rapporte le témoignage d’une infirmière qui aurait soigné Belmokhtar blessé au dos et brûlé sous des bombardements français en Libye. Un témoignage recueilli par les services de renseignement algériens et leurs relais au Niger où aurait été évacué le terroriste le plus recherché de la région. La version algérienne annihile les informations des militaires américains qui ont laissé entendre à travers les colonnes du Wall Street Journal que la frappe aérienne française au sud-ouest de la Libye avait «probablement été couronnée de succès». Ajoutant à l’intox de la DGSE qui veut absolument justifier les interventions illégales de l’armée française et que les Libyens condamnent.
Ce n’est pas la première fois que «le Borgne», sobriquet qui rappelle son infirmité de combattant en Afghanistan, est donné pour mort et que les services de sécurité algériens démentent, sans trop de tapage, la prétendue performance antiterroriste. On se souvient que le président tchadien, Idriss Deby, dont les troupes ont consenti un lourd tribut dans la lutte antiterroriste, avait annoncé en 2013 la mort de Belmokhtar mais que, trois semaines plus tard, «une source fiable» infirmait à un quotidien algérien l’exploit tchadien et précisait même que le chef d’Al-Mouthalimin à l’époque «évoluait librement en Libye».
Bien entendu, la suite des événements a confirmé la justesse de l’expertise algérienne et le suivi sérieux opéré par ses réseaux de renseignement. Désormais, les officines étrangères lorgnent Alger à chaque fois que l’élimination de Mokhtar Belmokhtar est annoncée. Le très avisé Marc Mémier a bien compris cela, c’est pourquoi, dans son étude publiée sur le site du think tank Ifri, le «principal centre français indépendant de recherche, d’information et de débat sur les grandes questions internationales», il n’hésite pas à rendre hommage à l’Algérie, à plusieurs reprises, en matière de lutte antiterroriste.
Cet expert français a occupé le poste de conseiller dans les domaines de la gouvernance et de la sécurité auprès de différentes agences des Nations unies et participé au G5 Sahel pour la mise en œuvre du volet sécuritaire de la Stratégie de l’ONU pour le Sahel, comme sa biographie le mentionne sur le document de l’Ifri. «Depuis 2012, il est également chercheur associé au Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP). Ses travaux portent notamment sur l’étude des groupes armés djihadistes du Sahel et d’Afrique du Nord», est-il spécifié.
Contrairement aux autorités françaises qui ont profité du bénéfice du doute pour laisser courir la rumeur de frappes aériennes qui auraient mis fin à la subversion de l’«Algérien» Belmokhtar, Marc Mémier ne croit manifestement pas à la mort de l’émir du Sahel. Au cours de son exposé, portant sur le rapprochement entre Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) d’Abdelmalek Droukdel et Al-Mourabitoun du dissident Mokhtar Belmokhtar, l’efficacité algérienne dans la lutte contre le terrorisme ne souffre aucune remise en question. Au contraire.
De la crainte de Belmokhtar, qui «éviterait de traverser le territoire algérien», à la fin proche de Droukdel, «contraint de quitter la Kabylie pour se cacher dans la région de Tébessa» à cause de l’étau des services de sécurité algériens, l’étude n’hésite pas à faire un rappel historique sur la défaite du terrorisme en Algérie : «L’extension régionale d’Aqmi au Sahel date du temps du GSPC, au début des années 2000. Ce basculement stratégique vers le Sud a notamment été motivé par la volonté de fédérer les différents groupes djihadistes du Maghreb et du Sahel. Il a surtout été contraint par l’impasse des opérations dans le nord de l’Algérie.»
On regrettera quand même des imprécisions quant au rôle des différentes enseignes du «djihadisme» comme le Mujao, notamment, et l’absence de toute évocation du Maroc ou de ses ressortissants qui prennent part à l’action terroriste dans la sous-région. D’aucuns auront aussi noté la tendance à vouloir minimiser l’apport du trafic de drogue dans le financement du terrorisme. L’indépendance intellectuelle n’étant jamais totale quand on aborde des «sujets sensibles et complexes sans preuve, ni source de première main», dixit Marc Mémier dans le paragraphe d’introduction à sa méthodologie.
Maya Loucif
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