Grave crise de carburant au Maroc depuis le murage de la frontière par l’Algérie
Depuis que l’Algérie – où le prix de l’essence reste encore l’un des plus bas au monde – a tari la source de l’activité florissante du trafic des carburants des «hallaba», mais aussi du gaz butane vers le Maroc, le royaume est plongé dans une situation critique concernant la disponibilité de ces produits, avec l’éventualité d’une pénurie qui risque de pénaliser fortement son économie. Les médias marocains citant un rapport officiel de la Cour des comptes révèlent que «les stocks stratégiques de sécurité pour les produits pétroliers sont largement insuffisants au Maroc». Selon les mêmes sources, cela concerne le gasoil, le butane, le fioul, les carburants pour avions. «Les stocks de sécurité des produits pétroliers sont marqués par une insuffisance structurelle par rapport au niveau prévu (…) de 60 jours, observe la Cour des comptes, avec des capacités de stockage actuellement trop limitées.» Les observateurs ont noté qu’il s’agit là de l’impact des mesures sécuritaires drastiques prises ces dernières années par les autorités algériennes pour lutter contre ces trafics. En fait, c’est le résultat plutôt d’une mauvaise politique appliquée par le royaume, comme l’indique le rapport, qui conclut qu’«il est urgent de rechercher d’autres alternatives (…) pour pallier cette problématique de stockage».
La mauvaise politique du Maroc a des répercussions sur beaucoup d’autres domaines sensibles et l’Algérie n’y est pour rien. Si les Marocains sont pauvres et si leur situation va empirer en 2017, selon le Haut Commissariat au plan (HCP) qui est une institution marocaine officielle, c’est parce que, comme le HCP l’explique, «le gouvernement accorde peu d’importance au combat contre la pauvreté qui touche une grande partie de la population». Le HCP, repris par les médias marocains, poursuit : «La précarité est rampante et fait chaque jour de nouvelles victimes en l’absence d’une stratégie d’emploi claire et précise et d’un système de protection sociale solide ; l’année 2017 risque d’être pauvre, très pauvre.»
Les mêmes médias du royaume notent que la précarité de l’emploi est en hausse au Maroc qui affiche «un taux d’emploi parmi les plus faibles au monde ». «Avec un tiers de sa jeunesse au chômage, le Maroc est assis sur une poudrière», souligne un journal marocain, qui ajoute que «l’éducation et la formation professionnelle ne parviennent pas à satisfaire les besoins du pays, ceux des entreprises, en ressources humaines qualifiées». Il fait ressortir «l’inégalité sociale et la discrimination dont sont victimes des pans entiers de la population (enfants, femmes, personnes handicapées, personnes âgées, malades, précaires…)» et l’absence de système de protection sociale marocain pour une grande partie de la population.
Le Makhzen fait supporter aux travailleurs du bas de l’échelle tout le poids de la crise économique et sociale dans laquelle le royaume se débat. Ainsi, le Conseil de la ville de Casablanca a décidé par mesure d’austérité de supprimer à partir de ce mois de janvier les indemnités pour heures supplémentaires et pour travaux insalubres et salissants pour ses 15 000 agents communaux dont les salaires seront amputés de près de 30%. Quant au secteur de l’enseignement, les médias marocains estiment qu’il est «toujours agonisant» et «les pronostics prévoient que la situation dans ce secteur clé ira en 2017 se dégradant, mais aussi dans les années à venir». Ils décrivent une situation catastrophique : «classes surchargées, manuels scolaires indisponibles ou en déphasage total avec les nouveautés de l’époque, formation inadaptée aux exigences du marché de l’emploi», et annoncent l’éventualité d’«un abandon par l’Etat marocain de l’une de ses principales responsabilités sociales, en l’occurrence l’enseignement».
Pour boucler la boucle et revenir aux carburants, c’est «la grande inquiétude face à la hausse des prix qui ne cessent de grimper au Maroc», écrivent les journaux du royaume, alors que le pouvoir d’achat de la grande majorité des Marocains est au plus bas et qu’ils ne pourront supporter les augmentations des prix des produits de consommation entraînées par cette spirale haussière du coût de la vie.
Houari Achouri
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