L’Arav met en garde contre l’instrumentalisation de la religion par les télés
L’Autorité de régulation de l’audiovisuel (Arav) a rappelé, dimanche, les règles du «traitement du fait religieux» dans les médias audiovisuels, appelant à mettre la religion «à l’abri de toute tentative d’instrumentalisation à l’occasion des prochaines élections législatives». Dans un document intitulé «Quelques observations à propos du traitement du fait religieux dans les médias audiovisuels», l’Autorité indique que «ces observations nous semblent d’autant plus opportunes que notre pays s’apprête à vivre de nouvelles élections législatives où la religion se doit d’être à l’abri de toute tentative d’instrumentalisation».
«Le présent document se propose de rendre compte de la phase exploratoire d’écoute et d’échange, menée par l’Arav en coordination avec ses partenaires officiels, le Haut Conseil islamique, le ministère des Affaires religieuses et des Wakfs, ainsi qu’un certain nombre de personnalités et d’experts concernés par ce secteur (théologiens, sociologues, psychologues, juristes, spécialistes de médias, imams, prédicateurs», précise la même source.
L’Arav «juge utile et nécessaire» de communiquer le résultat de son travail afin de «partager avec l’ensemble des acteurs médiatiques sa vision proactive concernant ce sujet hautement sensible et ce, dans la perspective de lancer une nouvelle dynamique pour une meilleure prise en charge de la question religieuse par les chaînes TV et de radio, tant privées que publiques», lit-on dans le document.
Mesurant «positivement, dans l’ensemble, une certaine amélioration à ce niveau», l’Arav note que «bien qu’encore timide et hésitant, ce progrès enregistré demeure estimable et doit en ce sens être respecté et encouragé».
L’Arav se déclare ainsi «disponible» auprès de ses partenaires médiatiques en vue d’une «optimisation des programmes à caractère religieux, tant en termes de suivi que d’accompagnement, dans la mesure de ses moyens et de ses compétences». Pour l’Arav, il y a «un impératif moral quant à notre responsabilité collective de protéger, sauvegarder et valoriser, ensemble, notre identité nationale façonnée au cours des siècles par l’islam».
Or, note l’Arav, «le caractère sacré et inviolable de notre patrimoine spirituel ancestral se trouve être consigné dans la Constitution en termes on ne peut plus clairs et précis», comme le stipule l’article 50 qui souligne que «la diffusion des informations, des idées, des images et des opinions en toute liberté est garantie dans le cadre de la loi et du respect des constantes et des valeurs religieuses, morales et culturelles de la nation». Tout en rappelant que l’islam est «l’une de ses composantes fondamentales aux côtés de l’arabité et de l’amazighité», l’Arav souligne qu’«il ne saurait être admis que la religion fasse l’objet de spéculation ou de manipulation médiatique à des fins politiques ou partisanes». «Avec le temps, nous espérons voir nos prêcheurs amenés spontanément à tenir un discours doctrinal en conformité avec les croyances locales et à faire preuve de non-allégeance intellectuelle à des courants de pensée hostiles à la modernité, à la concorde civile ou à nos traditions ancestrales, y compris notre style vestimentaire», indique l’Autorité.
«Tout prédicateur porteur d’un discours excommunicateur est proscrit, de fait, des antennes nationales, qu’il soit algérien ou étranger (…) de même que les légions d’exorcistes, de conjurateurs, de mages, de sorciers, de devins, d’enchanteurs, de faux prophètes, de marchands de rêves et autres pseudo-thérapeutes et guérisseurs autoproclamés qui peuvent tous tomber, un jour ou l’autre, sous le coup de la loi en cas de manipulation mentale, d’abus ou de dérapage de tous genres, de telle sorte qu’ils finiront tous par être démasqués et mis hors d’état de nuire».
L’Arav dit, à ce propos, «ne pas accepter que l’on puisse s’arroger le droit d’abrutir la société algérienne, fut-ce par la religion. Libérer la foi du charlatanisme et de toutes sortes de fantasmagorie : tel est le sens de notre avis. Tout le monde s’accorde à penser à l’obligation d’observer ce code déontologique». Soulignant que «la spiritualité englobe la foi, l’art et la civilisation», l’Arav note que cette spiritualité «est censée aborder toutes les expressions de la culture islamique et des connaissances métaphysiques et ne peut se limiter aux seules questions rituelles comme il semblerait être le cas aujourd’hui».
L’Arav s’interroge, en outre : «Sommes-nous tenus de faire appel à des prédicateurs sulfureux, souvent dépourvus de la moindre formation académique et ne maîtrisant même pas les techniques élémentaires de communication moderne ? Qu’est-ce qui nous empêche de convier les islamologues, les académiciens et les chercheurs universitaires afin d’élever le niveau de la pensée, rationaliser le discours et optimiser l’analyse ?» Elle estime que «glorifier l’islam ne signifie pas attaquer les autres religions, quelles qu’elles soient, ni invectiver leurs symboles sacrés ni outrager leurs dogmes et leurs croyances».
Aussi note-t-elle, «défendre le référent national, bien qu’étant un devoir citoyen, ne donne pas droit non plus aux insultes vis-à-vis des autres obédiences de l’islam, quelles qu’elles soient, même celles qui nous sont théologiquement dissemblables». «Toutes les religions doivent être respectées, sans exception. De même, tous les courants de pensée de l’islam, ainsi que toutes ses branches et ses voies doivent être révérés et honorés», ajoute l’Arav. «Tel est le credo et le code d’éthique que l’Arav se propose de soumettre aux acteurs de l’espace audiovisuel en guise de plateforme de travail collaboratif impliquant toutes les parties et institutions traitant, directement ou indirectement, du fait religieux», indique-t-on.
L’Arav exprime, enfin, le souhait de «parvenir à préserver le paysage médiatique face à la montée croissante de ce péril planétaire qui menace la sécurité de notre pays et de notre société».
R. N.
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