L’ex-ministre français Hubert Védrine : «Les musulmans sont la cible n° 1 des terroristes»
L’ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, est intervenu dans le documentaire Le Sabre et la Kalachnikov, réalisé par Djeboul Beghoura et Roberto Lugones, tout comme William B. Quandt, ancien membre du Conseil de sécurité des Etats-Unis, et d’autres experts, pour donner sa lecture du phénomène de la montée en puissance du mouvement djihadiste dans les pays musulmans mais aussi en Europe et dans d’autres régions du monde. Il faut toujours rappeler, dit-il, que «la cible n° 1 des terroristes ce sont les musulmans, les 99% de sunnites qui n’appliquent pas les conceptions folles du salafisme, djihadisme… L’ambition des islamistes est d’imposer leur loi aux musulmans « normaux » qu’ils considèrent comme impies». Pour lui, «la lutte contre le terrorisme a lieu partout, ce n’est pas l’Occident contre les musulmans». Il cite l’exemple du Mali où la France est intervenue, à la demande du Conseil de sécurité, et s’est appuyée «sur l’Algérie qui a joué un rôle important».
Concernant la situation en Irak, Hubert Védrine livre, à peu près, la même appréciation que William B. Quandt. «L’invasion de l’Irak en 2003, insiste-t-il, était une erreur évidente, la façon dont le pays a été géré après est une deuxième erreur évidente». Il estime que «les Etats-Unis auraient dû essayer de trouver une cohabitation entre les chiites et les sunnites». Ce qu’ils n’ont pas fait, «ils ont échoué». La sortie précipitée des Américains de l’Irak a été tout aussi catastrophique, «ils sont partis trop vite», à son avis, en laissant une situation où «les chiites n’avaient aucune garantie».
La suite est connue avec l’irruption de Daech et ses crimes en Irak, en Syrie, dans d’autres pays musulmans mais aussi en Europe, particulièrement en France et en Belgique ainsi qu’aux Etats-Unis, principalement. A propos de Daech, il fait le même constat que de nombreux spécialistes de la question, ce groupe terroriste «profite, dit-il, de la destruction des Etats mais n’a aucune chance de gagner avec des Etats qui fonctionnent».
Pour ce qui est du cas particulier de son pays, il estime que Daech «peut compliquer la vie des 5 à 6 millions de musulmans qui vivent en France, mais pas gagner». Il insiste sur le fait que la lutte contre les groupes terroristes islamistes est d’abord l’affaire des pays directement concernés. Il appelle à «soutenir les forces modernes qui sont en première ligne dans la lutte antiterroriste dans le monde arabe».
On sait que l’ancien ministre français des Affaires étrangères est connu pour avoir été parmi les premiers à plaider, dans des interventions publiques en France, pour «un rétablissement des rapports avec Moscou, et donc d’un dialogue avec le régime de Bachar Al-Assad en vue de combattre Daech». Il a été également l’un des premiers à mettre en évidence l’échec de la stratégie occidentale en Syrie du fait de l’«absence à (ses) yeux d’approche pragmatique du conflit».
Il estimait, il y a bien plus d’un an, que «les puissances occidentales doivent désormais former une coalition au sens de guerre mondiale si Daech est l’ennemi numéro un». Mais il avait prévu que «casser les bases de Daech» ne suffisait pas parce qu’«il va y avoir une fourmilière de combattants en fuite, sans frontière».
Enfin, Hubert Védrine a commenté laconiquement ce qui s’est passé en Algérie durant la décennie noire. Il faut rappeler, dit-il dans son intervention dans le documentaire Le Sabre et la Kalachnikov, que l’Algérie est un pays indépendant depuis 1962, tout en soulignant la densité et la complexité des relations avec la France.
Houari Achouri
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