Une contribution de Houria Aït Kaci – Quelles leçons pour l’Algérie dans le contexte de la démondialisation ?
Dans ce contexte de «démondialisation», quelles leçons pour l’Algérie ? Des économistes en vogue continuent de défendre une plus grande insertion dans la mondialisation, avec plus de croissance, plus d’ouverture du marché aux multinationales, moins de protectionnisme, comme le fait Abderrahmane Mebtoul qui soutient la levée de la fameuse règle 51/49 pour attirer les investissements directs étrangers. Il recommande l’endettement extérieur, l’augmentation des exportations d’hydrocarbures, plus de facilités à la concurrence, la mobilité sociale, la réduction du coût du travail, moins d’Etat social, etc. Le collectif Nabni, un think tank, dans son plan d’urgence de sauvetage de l’Algérie (2016-2018) comprenant dix chantiers pour faire face au choc pétrolier, propose d’«attirer dix investissements directs étrangers (IDE) majeurs de dix multinationales de référence dans dix secteurs avec création de pôles de compétitivité autour d’eux».
Or, il est connu que les multinationales n’investissent dans un pays que pour tirer profit de ses avantages compétitifs (bas salaires et bas coûts de l’énergie) qui signifient une plus grande exploitation des travailleurs et des ressources naturelles, une plus grande paupérisation de la population locale, comme l’explique l’économiste algérien Omar Aktouf à propos des dégâts de la mondialisation et du néolibéralisme dans son ouvrage La Stratégie de l’autruche.
«Depuis que les frontières économiques tombent entre les pays (phénomène appelé communément globalisation), nul pays ne peut vivre, nous dit-on, sans miser sur ses «avantages compétitifs. Et s’il est misérable, en état de sous-développement endémique, ce n’est la faute ni du colonialisme, ni du néocolonialisme, ni de l’impérialisme, ni de l’exploitation par les multinationales, ni des régimes corrompus et des corrupteurs transnationaux, c’est parce qu’il ne sait pas utiliser ses avantages compétitifs.»
Par ailleurs, Aktouf (El-Watan du 30 septembre 2016) remet en cause la thèse de la théorie de la croissance, «le pivot de la logique économique dominante de croissance infinie des gains et des profits». Selon lui, «le principe de croissance infinie, appuyé sur celui du marché régulé» est «irréaliste et destructeur». Il ne peut y avoir de croissance infinie issue de ressources naturelles, qui, elles, sont finies, sans causer de dégâts irréparables à l’environnement et aux conditions de vie des populations les plus démunies. «Il ne saurait y avoir croissance en un lieu que s’il y a décroissance toujours plus grande ailleurs», affirme-t-il, soulignant que «l’économie dépend de l’écologie et non l’inverse».
Quelles sont les alternatives pour sortir de cette impasse ? Front uni anti-compradores, anti-impérialiste, antimondialiste, écologiste, projet démocratique durable, alliance patriotique regroupant toutes les couches et classes sociales, même une partie de la bourgeoisie bureaucratique opposée aux compradores (à ne pas confondre avec le pouvoir) ? Toutes ces pistes peuvent certainement aider à la formulation d’une nouvelle vision pour une économie nationale libérée des injonctions du FMI et du capitalisme financier. Un projet pensé par des Algériens pour les Algériens, qui ne soit pas une pâle copie du modèle occidental, basé sur l’enrichissement matériel uniquement, n’est-il pas à la portée des élites algériennes ?
Les élites économiques mondiales du Forum de Davos viennent, elles, de franchir le pas, en affirmant que «le capitalisme de marché doit être réformé d’urgence» face à la montée des mouvements «populistes» dans le monde occidental, à la faveur du Brexit et de l’élection de Trump, perçus comme des signes du délitement de la cohésion sociale dans les pays occidentaux.
«La combinaison des inégalités économiques et de la polarisation politique menace d’amplifier les risques mondiaux, d’affaiblir la solidarité sur laquelle repose la légitimité de nos systèmes économiques et politiques», estime le rapport publié sur le site du Forum le 11 janvier. Il recommande le soutien de la croissance mais appelle également les dirigeants à reconnaître l’importance des questions identitaires au sein des communautés politiques et à «repenser le capitalisme».
Houria Aït Kaci
Ancienne directrice de l’agence de presse AAI
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